Tout le monde connaît Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944). Mais
qui se souvient d’André Japy, autre pionnier de l’aviation, son rival dans
la quête aux exploits ?
André Japy est né en 1904 en Franche-Comté, dans une famille d’industriels.
Passionné par l’aéronautique, outre son diplôme d’ingénieur, il obtient son
brevet de pilote en 1932. C’est la grande période de l’Aéropostale, et de ses
héros. Japy multiplie les records de vitesse sur Paris-Oslo, Paris-Tunis,
Paris-Moscou… En 1935, il relie Paris à Saigon en 87 h, record absolu.
Saint-Exupéry tente de battre le record d’André Japy, sur le
même avion. Il décolle de l’aéroport du Bourget le 29 décembre mais dans la
nuit de 30 au 31 décembre, l'avion percute le haut d'un plateau du désert
égyptien et s'écrase. Le 2 janvier 1936, après avoir marché trois jours dans le
désert du Wadi-Natrum, sans eau ni vivres, Antoine de Saint-Exupéry est
secourus par des bédouins. Cet accident sera l’élément central de son roman Terre des hommes.
En novembre 1936, Japy tente un nouveau record :
rallier Paris à Tokyo, sur son Caudron
Simoun. Tout se passe bien jusqu’à Hong-Kong, puis la météo change, un violent vent contraire et le brouillard l’obligent à essayer d’atterrir en urgence lorsqu’il
arrive en vue du Japon. Hélas Japy ne peut éviter le Mont Sefuri et s’y écrase.
Les villageois qui ramassaient du bois dans cette montagne difficilement pénétrable
entendent le crash, mais mettent plusieurs heures avant d'arriver sur le lieu de
l’accident. Et là, surprise, ils découvrent un pilote blessé, et Blanc !
C’est l’époque de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo, Japy s’inquiète en les voyant armés
de serpes et haches. Mais les villageois prennent soin de lui, le
désincarcèrent, construisent un brancard, le descendent au village, alertent
les autorités, qui le transportent à l’hôpital de Fukuoka, où il sera opéré et
soigné. André Japy reçoit tant de marques de sympathie qu’il reconnait que son
accident lui a fait apprécier l’âme japonaise.
Retour triomphal en France quelques mois plus tard. Puis
c’est la guerre. Antoine
de Saint-Exupéry disparaît en 1944, André Japy survit à la tragédie. En 1946, il change de
vie, et s’installe en Polynésie, où il se lance avec son épouse dans
l’agriculture. Parallèlement, il effectue avec son nouvel avion Piper des vols d’assistance à la
population, désenclavement des îles, livraison de courrier, évacuation sanitaire,
recherche de disparus, et même lutte contre la coqueluche ! Et multiplie
les records de vitesse entre les îles, Nouvelle-Zélande, Nouvelle- Calédonie…
La fin des années 60 marque l'émergence d’une nouvelle
aviation commerciale, en équipage, dans des appareils sophistiqués. Pour André
Japy, c’est l’heure d’une retraite bien méritée, il revient en France. Son
ultime voyage : il « monte au ciel » en 1974.
Mais une petite piste d’atterrissage, aux confins d’un atoll
polynésien, porte encore son nom.A l'occasion de son trentième anniversaire, le musée Frédéric Japy de Beaucourt (90) rend hommage à cette dynastie d'industriels, qui a modelé la vie locale : exposition d'objets fabriqués dans leurs usines, nombreuses animations ludiques et conférences sur les membres éminents de la famille, dont André Japy.
Article publié dans le JTT du jeudi 23 juin 2016.