jeudi 29 août 2013

La Foire aux Oignons

Chaque année, depuis plus de sept siècles, le 29 août est jour de liesse à Tournon-sur-Rhône : la Foire aux Oignons, grande manifestation populaire, réunit un millier d'exposants, et une foule de chalands, autour des productions de l'Ardèche et de la Drôme. Les tresses d'ails et sacs d'oignons, d’échalotes sont à l'honneur, mais on trouve aussi tous les fruits et légumes de saison, pêches, prunes, poires, melons, tomates, haricots, pommes de terre... ainsi que fromages, huiles, vins et miel.

La grande attraction se trouve près du kiosque, sous les platanes : une étrange ménagerie à ciel ouvert, avec poules et poussins de toutes races, dont la superbe poule de soie, fragile et duveteuse, poussins, canards, oies et pintades, pigeons. Le poulailler caquette, tandis que lapins, cochons, moutons, veaux, se serrent frileusement dans les coins, pour échapper aux regards des badauds. Cette année, des chevaux de trait au pelage lustré, et des oiseaux de paradis ont du succès chez les enfants. Qui ne sont pas seuls à s'intéresser aux bestioles : de nombreux clients repartent avec un carton troué, ficelé, renfermant des volatiles à engraisser cet hiver.

Les étalages de vêtements, chaussures, les bazars, attirent les parents qui préparent la rentrée, amusés par le boniment des camelots. Dans les rues piétonnes bondées, les commerçants locaux proposent eux aussi de bonnes affaires. Des groupes de joyeux musiciens animent la ville, invitant chacun à profiter de l'ambiance festive et du soleil. La restauration est assurée sur toutes les places, caillettes ardéchoises ou saucisses grillées au menu. Aux petits oignons !

samedi 24 août 2013

Chronique littéraire : Limonov, de Emmanuel Carrère

Qui est-ce ? Un contemporain, né en URSS en 1943, transfuge à New York, puis réfugié à Paris, engagé côté serbe, enfin opposant à Poutine… Une destinée extraordinaire, portée par une suite de bouleversements politiques. Emmanuel Carrère, dans cette biographie romanesque, revisite toute l’histoire de l’Europe des dernières décennies.

Limonov  n’est pas un héros de fiction, mais un homme ordinaire. Petit garçon timide né à Kharkov, puis jeune voyou alcoolique, ouvrier contestataire et poète marginal à Moscou, il échappe à l’asile psychiatrique auquel il est condamné, en fuyant pour New York avec Elena. Après une période de misère, il devient homme à tout faire d’un milliardaire, et commence à  rédiger ses aventures. Ses récits étant publiés en France avec succès, il choisit de venir vivre à Paris, avec Natacha. Avant d’être autorisé à retourner à Moscou, en dissident reconnu. Nouvelle volte-face, il participe à la guerre de Yougoslavie côté serbe, puis s’active dans les rangs nationalistes russes contre Poutine.

Emmanuel Carrère a rencontré personnellement le héros de son livre.  Il se vautre avec plaisir, lui, le bobo parisien,  dans les débauches sexuelles ou autres de son truculent personnage. Qui reste avant tout un être humain, malgré son ambition démesurée : Limonov n’a jamais peur de se coltiner à la difficulté, à la misère, et en paye le prix, pour rester en accord avec ses idées.

Emmanuel Carrère, écrivain français né en 1957, connait admirablement la Russie. Il se régale de la géopolitique mondiale, et nous offre ici une occasion brillante de réfléchir à l’histoire du siècle en Europe.
Limonov a obtenu le Prix Renaudot  en 2011. Il est disponible en Folio au prix de 8.10€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 22 août 2013.

dimanche 18 août 2013

Lourdes, de Jessica Hausner, un film qui interpelle

A l’occasion de l’Assomption, Arte a osé programmer un film déroutant, sur un sujet complexe : le rapport à la foi. Le titre est sobre : Lourdes. L’argument est simple : on suit un groupe de malades, plus ou moins handicapés, pris en charge par des bénévoles de l’Ordre de Malte, dans les différentes étapes du pèlerinage. Sylvie Testud interprète le rôle principal, celui d’une malade clouée dans un fauteuil roulant par une sclérose en plaques. Sans être croyante, elle est venue là pour sortir de sa solitude.  Son jeu, tout en retenue, est une merveille de réalisme.

Le film ressemble d’abord à un documentaire presque froid, une visite en images des lieux de prière. Peu à peu, il s’attarde sur les réactions des deux humanités forcées de cohabiter : les malades, dépendants, statiques, mus par l’espoir d’une guérison, et leurs accompagnateurs (Léa Seydoux, Bruno Todeschini) bouillonnants de vie, qui essaient de s’amuser malgré les consignes de la supérieure, sœur Cécile, à l’ardeur mystique. Les costumes, vifs ou ternes, accentuent encore les différences de statut.
La question fondamentale, croire, est posée, les différences entre foi, religion, piété sont pointées. Le commerce des marchands du Temple répond au marchandage des malades avec Dieu. Quand le miracle a lieu, et que Sylvie Testud se lève, la joie et l’incrédulité se mélangent. Pourquoi elle ? L’aigreur, la jalousie, mais aussi l’incertitude planent. Les incroyants sont rattrapés par l’incroyable.

Beaucoup de questions, pas de réponses, la réalisatrice Jessica Hausner a réussi un film perturbant, sans déraper vers la facilité. Pas de prosélytisme, ni de moqueries grotesques. A chacun de réfléchir, de trouver sa voie. C’est inhabituel et déstabilisant. Ce film  n’a pas connu le succès qu’il méritait, à sa sortie, en juillet 2011, pourtant il trouble en profondeur.

mardi 13 août 2013

Coup de cœur : Le cordon de soie, de Frédérique Deghelt.

Me voilà doublement grand-mère… Un instant de grâce, fort, émouvant, qui me renvoie inévitablement à d’autres naissances, celles de mes enfants. Avec qui partager ces moments intimes, qui nous transforment en profondeur, sinon avec d’autres mères ?

Frédérique Deghelt a su mettre en mots, et Sylvie Kergall en photos, les premiers instants de la vie d’un nouveau-né. Il a quitté son nid protecteur pour affronter le monde. Le cordon ombilical est coupé, mais un cordon de soie, invisible, résistant, merveilleux, le relie pour toujours à sa mère. Métaphore du corps-don de soi, comme le remarque finement Aldo Naouri dans la préface.

Le cordon de soie est un livre à offrir, à s’offrir, pour retrouver les émotions des premiers jours de la vie, quand le mystère d’une autre vie, secrète, insondable, est encore perceptible sur le visage paisible et mouvant du nouveau-né. Pour contempler la beauté de la création, et mesurer l’avancée des générations.


samedi 10 août 2013

La manufacture Valdrôme de Valence : savoir-faire et tradition

Toutes les couturières de la région connaissent le magasin d’usine Valdrôme à Valence. On y trouve des échantillons, des coupons, des tissus au mètre, pour confectionner patchwork, rideaux, nappes ou coussins. Ce magasin très prisé a changé d’adresse, pour se rapprocher du centre ville, à deux pas de l’Avenue Félix Faure. Il est installé maintenant rue du Commerce. Les fans de shopping peuvent désormais craquer devant les accessoires pour la table, le voyage, le prêt-à-porter et les jolis cadeaux … cousus main. 


 Mais le plus extraordinaire, c’est l’histoire de la manufacture Valdrôme. Une aventure passionnante qui traverse les siècles et les pays. On y croise des navigateurs audacieux, des coquettes, des bandits opportunistes, des techniciens innovants, et surtout des artisans qui préservent un savoir-faire traditionnel.

Valdrôme est une authentique fabrique d’indiennes,  ces toiles peintes que les navigateurs ramenèrent des Indes, pays qui en détenait jalousement le monopole,  à la fin du 16ème siècle. Parmi eux, Jean de Valdrôme réussit à percer le secret de leur fabrication. Ces toiles fraîches connurent un succès immédiat en Europe, dès 1650, si bien que les artisans provençaux, appelés  indienneurs, se mirent à en fabriquer. Mais l'industrie textile traditionnelle, pourvoyeuse de soieries, lainages, lin, se sentant menacée, fit interdire l'importation et la reproduction des indiennes. Les contrebandiers, comme le célèbre bandit Mandrin, en profitèrent pour faire fortune grâce au trafic d’étoffes.

Il a fallu attendre 1759 pour que l’interdiction soit supprimée. Plus rien ne s'opposait alors au développement de l'industrie des indiennes. La Manufacture de Valence fut créée en 1770. Les indienneurs importaient d'Orient le coton et les colorants de base: bleu de l'indigotier, rouge de la garance et jaune des sucs de plantes.Ces coloris constituent toujours la base des tissus provençaux.

Comment se passe l’Impression sur étoffes ? La technique aussi a évolué au fil des siècles. A l’origine : Le coloriste extrayait et mélangeait les substances végétales pour composer la pâte colorée. Le dessinateur réalisait une maquette peinte à taille réelle. Pour chaque couleur du motif, le graveur sculptait une planche dans une essence dure. Enfin, l'imprimeur posait successivement les planches colorées sur la toile et y appliquait un coup de maillet. C’était l’impression à la planche de bois. En 1783, un Ecossais, Thomas Bell, déposa le brevet d'une machine à imprimer les étoffes munie d'un rouleau de cuivre gravé en creux. Technique adoptée partout ensuite.

Aujourd'hui, la Manufacture de Valence, rebaptisée Valdrôme en 1946, en l'honneur du navigateur, fabrique toujours ses produits de manière artisanale. Elle utilise des supports de haute qualité : un sergé de laine et soie et un pur coton mercerisé, imprimés de colorants très résistants au lavage. Les motifs sont variés, stylisés : fleurs, abeilles, taureaux, mouches, palmettes… Valdrôme est spécialisée dans la fabrication de linge de table, d’accessoires de mode, de prêt-à-porter, d’articles cadeaux en tissu matelassé et de carrés de coton. Le châle en laine et soie, imprimé à la main au cadre plat, avec reproduction de dessins cachemire, constitue le fleuron de sa production

Présente sur le marché international, Valdrôme commercialise ses produits dans de nombreuses boutiques du Sud de la France. Pour les habitants de Drôme-Ardèche, le bon plan, c’est d’aller au magasin d’usine, à Valence. Les collections des années précédentes, soldées, permettent de faire d’excellentes affaires. Attention ! Le magasin étant aussi un atelier de confection, où l’on coupe, coud, contrôle, empaquette, la porte est fermée, sécurité oblige. Mais il suffit de sonner, pour entrer dans la caverne d’Ali-Baba !

 Magasin d'usine : 1, rue du commerce 26000 Valence Tél : 04 75 43 35 05
Horaires : du lundi au vendredi de 9h00 à 12H et de 14h à 18H
Catalogues sur le site internet : http://www.valdrome.com/



mercredi 7 août 2013

Et si vous testiez un Bistrot de Pays ?

La température caniculaire en Vallée du Rhône incite à prendre de l'altitude. Par un chaud dimanche, direction Saint Félicien et son petit marché de producteurs, c'est là qu'on trouve le fameux Caillé doux, et le délicieux Nectardèche. Mais pas question de pique-niquer pour autant ! Car, quelques kilomètres plus loin, Pailharès vous invite. Un solide village de pierres dorées, campé au milieu des chemins de randonnée, cyclistes ou piétonnes. Et surtout son Bistrot de Pays, l'Auberge Buissonnière.

Un Bistrot de Pays, c'est un établissement labellisé, dont la charte assure qualité et authenticité. Le réseau des 24 Bistrots de Pays ardéchois permet d'apprécier toute la diversité et les richesses du département. Il est fondé sur une démarche de promotion économique et sociale en milieu rural. Ambassadeur de son territoire, relais multiservices, lieu de vie culturelle, il propose avant tout des spécialités culinaires du terroir, et un accueil convivial à toute heure.

L'Auberge Buissonnière est un des fleurons du catalogue. Déjeûner sur sa terrasse ombragée, en profitant d'une brise légère, et d'une vue époustouflante sur les Alpes, est un pur moment de bonheur. Pas de souci avec les enfants, une aire de jeux aménagée en contrebas leur permet de batifoler en toute sécurité.
Les propriétaires, Philippe et Sandrine Jan, l'un aux fourneaux et l'autre au service, proposent une cuisine typique mais raffinée : caillettes aux tagliatelles, tartare de bœuf au basilic et sa tuile de parmesan, florilège de fromages locaux, poire pochée au caramel et son biscuit cannelle...
Si vous êtes sportifs, ou pressés, une assiette du bistrot suffira à vous donner l'énergie nécessaire pour attaquer la montée du col du Marchand, à 4km, ou celle de Lalouvesc, à 8km. Mais dans tous les cas, les prix sont doux, la saveur authentique, le panorama grandiose et l'accueil chaleureux.

http://www.auberge-buissonniere.com
www.bistrotdepays.com

samedi 3 août 2013

Chronique littéraire : Les oreilles de Buster, de Maria Ernestam

Tuer sa mère. C'est ce qu'Eva décide, à l'âge de sept ans. Petite fille détestée et délaissée par une mère frivole et perverse, elle s'exerce d'abord sur Buster, le méchant boxer des voisins. Puis continue à se venger directement des souffrances qu'elle endure, avec méthode et sans scrupule.
Longtemps après, grand-mère passionnée par ses rosiers, elle entreprend de rédiger son journal, pour se soulager de tous les secrets, les non-dits, qui ont écrasé sa vie. Et pour s'expliquer vis-à-vis de sa fille Suzanne, en pleine détresse.

Père faible et absent, mère égocentrique, Eva n'a compté que sur elle-même pour survivre, avancer, et régler ses comptes. Injustices, désamour, ruptures, solitude émaillent son parcours, mais le contexte reste opaque. Qui est Sven ? Qui est John ? Comment Suzanne est-elle née ? Les rapports mère-fille et homme-femme sont ici disséqués au scalpel. L'intrigue est bien menée, les révélations surprenantes. Malgré des apparences convenues, une famille bourgeoise dans le Stockholm des années 1960, rien n'est normal dans le déroulement de la vie d'Eva.

Maria Ernestam est née en Suède en 1959. Son roman a obtenu le prix Page des Libraires en 2011.
Il est disponible en Babel Poche au prix de 9,80€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 1 août 2013.