lundi 18 août 2025

Lucien Mainssieux, peintre de Voiron

Voiron en Isère est une petite ville active et commerçante. Proche du lac de Paladru et du massif de la Chartreuse, elle est connue pour ses caves de distillation de la liqueur de Chartreuse ainsi que pour la célèbre chocolaterie Bonnat. Mais à l’ombre de l’église Saint-Bruno, au milieu des rues piétonnes se cache une autre pépite : le musée Mainssieux. Créé en 1989, il contient la collection personnelle de Lucien Mainssieux, un peintre célèbre du XXe siècle.

Lucien Mainssieux est né en 1885 à Voiron. Orphelin de mère, atteint d'une tuberculose des os du bassin, qui l’oblige à passer ses douze premières années alité, il développe des dons artistiques en tous domaines, musique, peinture, littérature. Après des études d’art à Grenoble, il commence une carrière de critique musical et peintre à Paris en 1905. Il y fréquente les cercles d’artistes de l’avant-garde (Pablo Picasso, Max Weber, Stravinsky), ses modèles sont Cézanne et Corot, cependant, il restera toute sa vie un artiste indépendant.

Ce sont ses voyages, un peu partout en France, en Italie et surtout en Afrique du Nord, qui influencent sa manière de peindre. En 1910 il découvre Rome qui l’émerveille. Il y retournera plusieurs fois, réalisant des tableaux qui assureront son succès auprès du public. En 1921, il part en Tunisie. Sa découverte du monde musulman le fascine, il peint des palmeraies, des sables et des oasis. Puis c’est le Maroc entre 1929 et 1958, l’Algérie entre 1942 et 1954, où il rencontre sa femme.

 Sa technique picturale varie en fonction de son évolution.  Au début de sa carrière, ses peintures s'inspirent du fauvisme, en Italie, ses peintures sont plus classiques, avec des couleurs pâles, alors qu'en Afrique, il favorise les scènes quotidiennes aux couleurs vives. Ses œuvres sont réputées, il expose partout en Europe. Et collectionne les œuvres de ses amis.

Lucien Mainssieux garde un attachement tout particulier au Dauphiné et à Voiron, sa ville natale, où il revient faire des séjours chaque été. Les douze dernières années de sa vie se passent entre Voiron, Paris et Tipaza. A sa disparition en 1958, Lucien Mainssieux institue la ville de Voiron légataire universelle de son fonds d’atelier et de sa collection, constituée tout au long de sa vie, principalement des toiles des XIXe et XXe. Plus de 1 000 peintures, 6 000 dessins, des ouvrages illustrés, des objets personnels et l’intégralité de ses archives et documents.

Un petit musée et un grand artiste se cachent à Voiron, une ville agréable  à découvrir !

Musée Mainssieux  7 place Léon Chaloin, 38500 Voiron; tél: 04 76 65 67 17

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août 2025.

mercredi 13 août 2025

Le lac de Paladru et son histoire

En période de canicule, qu’il est bon de faire quelques dizaines de km pour arriver aux Terres froides, cet ensemble de collines et de plateaux d’Isère parsemé d’étangs et de cours d’eau, où la température reste fraîche. Le lac de Paladru en est l’attraction emblématique, avec ses plages, sa réserve naturelle et son musée. Sa magnifique couleur bleue qui tranche sur le vert des forêts et pâturages alentour invite à la baignade ou au canotage.

Le lac est d’origine glaciaire, il mesure 5300 m de long sur environ 1000 m de large, sa profondeur maximale est de 36 m. Il est très abrupt, à 15 m du bord, il y a déjà 15 m de fond, mais ce sont surtout ses variations de niveau qui sont étonnantes. Nourri par deux torrents et par les précipitations, en 2024 son niveau était de 3 m plus haut en juin qu’en juillet ! Ces variations expliquent qu’on ait retrouvé les vestiges d’un village néolithique ainsi que ceux d’un hameau médiéval, conservés tous deux sur des plages immergées.

Un superbe musée-pirogue contemporain, le MALP, ouvert depuis 2022 au bord du lac, expose les résultats des fouilles subaquatiques réalisées depuis 1972. Issus de deux époques bien différentes, les 600 objets conservés par l’eau racontent d’une part la vie des premiers agriculteurs du néolithique (2700 av JC) et d’autre part celle des paysans-cavaliers de l’an Mil. En particulier, on y trouve la fameuse pirogue taillée dans un tronc de chêne. Ainsi que armes, bijoux, ustensiles de cuisine, outils… témoignant de toute l’inventivité, l’ingéniosité des premiers hommes.

Par une belle journée d’été, à Paladru, on peut alterner les plaisirs entre pique-nique, baignade, paddle ou pêche, et profiter ensuite d’une visite culturelle passionnante. Une escapade qui plaira à tous les publics.

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août.

dimanche 10 août 2025

Chonique littéraire : Les dieux du tango, de Carolina de Robertis

C’est toute l’histoire et la sensualité du tango qui constituent la trame du roman. Né à la fin du 19ème siècle autour du Rio de la Plata, l’estuaire qui relie Buenos-Aires, en Argentine, et Montevideo, en Uruguay, le tango est une musique métissée d’origine africaine, indienne, européenne. Cette danse langoureuse est devenue une danse de bal, d’abord jouée exclusivement dans les cafés des bas-fonds des deux villes, où les hommes dansaient avec des prostituées, avant de devenir la danse à la mode dans toutes les capitales au début du 20ème siècle.

Carolina de Robertis a imaginé un personnage singulier en la personne de Leda, jeune fille émigrant depuis l’Italie, en 1913, pour retrouver à Buenos-Aires son futur mari, Dante. Hélas Leda apprend à son arrivée que Dante a été tué lors d’une manifestation ouvrière. Comment va-t-elle s’en sortir dans cette ville livrée à la violence, où les femmes sans mari sont des proies ?

C’est grâce à son violon. Subjuguée par cette musique de rue, Leda va apprendre à jouer des tangos. Et comme à l’époque il est interdit aux femmes de jouer du tango, elle se déguise en homme pour pouvoir jouer et survivre. Elle prend le nom de Dante, est engagée dans un orchestre, cachant à tous son véritable sexe. Peu à peu, elle développe sa créativité, en suivant l’évolution de ce genre musical jusqu’à son âge d’or. Portée par la musique, elle découvrira aussi sa propre personnalité, si longtemps étouffée.

Carolina de Robertis offre ici une fresque à la fois sociale, historique et humaine. Sa documentation solide permet d’appréhender la naissance d’une nation portée par une musique métissée à son image. L’auteure, née en Angleterre en 1975, d’origine uruguayenne, enseigne en Californie, et est une fervente défenseure des droits des femmes.

Ce roman est disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT  du jeudi 31 juillet.

mercredi 6 août 2025

Les 50 ans de la Grande Motte

La célèbre station balnéaire et port de plaisance de l’Hérault, à quelques km de Montpellier et de la Camargue, se caractérise par une grande homogénéité architecturale, dont les éléments les plus visibles sont les immeubles en forme de pyramides. Cette architecture futuriste a obtenu le 19 janvier 2010, le label « Patrimoine du XXe siècle ».

Ce fut un des plus importants projets urbanistiques et touristiques des « Trente Glorieuses ». Dès 1962, sous le gouvernement De Gaulle-Pompidou, naît la volonté d’aménager 200 km de littoral entre la Camargue et les Pyrénées, afin d’accueillir un million de touristes de France et d’Europe du Nord. L’architecte retenu pour construire la Grande-Motte est Jean Balladur, philosophe avant-gardiste, qui veut mettre l’homme au cœur d’une cité hors du commun, dans un écrin de verdure.

Limité par deux étangs, celui de l’Or et celui du Ponant, la mer Méditerranée et le Vidourle, le territoire choisi était occupé par un marécage et des dunes. Des dispositions spécifiques d’urbanisme s’y appliquèrent afin de préserver les espaces naturels, les paysages et l’équilibre écologique du littoral. Répondant à la démocratisation du tourisme de masse, refusant le luxe, le projet de Jean Balladur, très décrié à l'époque, fut de créer des terrains de sport, une plage bordée d'un simple chemin piéton, des façades d’immeubles perpendiculaires au littoral, éliminant la hiérarchie entre les appartements avec vue et sans vue. Un palais des congrès, une mairie, des commerces, une extraordinaire église dédiée à Saint Augustin ont complété l’équipement. Les travaux de dragage, de remblaiement, ont commencé en 1966, puis les constructions s’enchaînèrent. Et en octobre 1974 fut créée la commune de la Grande-Motte.

50 ans plus tard, la Grande-Motte continue d’évoluer. De nouveaux immeubles sortent de terre sous l’impulsion des successeurs de Jean Balladur. Des parcs, des jardins, des pistes cyclables quadrillent la ville, occupant 70 % de la surface totale. L’harmonie architecturale répond à la douceur de vivre, les automobiles étant écartées au profit d’une mobilité douce. La station révèle aujourd’hui tout son sens esthétique et est devenue une ville jardin. Un projet imaginé et réalisé grâce à la vision novatrice d’un architecte de génie, Jean Balladur, accompagné de son jardinier en chef, Pierre Pillet.

En toutes saisons, c’est un plaisir de sillonner la Grande-Motte et sa région à vélo. Et en été, la baignade est au bout de la rue, l’ombrage tout aussi proche. Alors n’hésitez pas à fréquenter cette station populaire, née d’un projet audacieux, qui 50 ans après, a prouvé sa pertinence. 

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août 2025.