lundi 27 avril 2015

Chronique littéraire : En vieillissant les hommes pleurent, de Jean-Luc Seigle

Jean-Luc Seigle, né dans le Puy de Dôme, près de Clermont-Ferrand, est un auteur et scénariste français. Il a été élevé par un grand-père paysan, ancien soldat de 14 devenu ouvrier chez Michelin, et une grand-mère communiste qui lui a donné le goût des livres.

Tous ces ingrédients, on les retrouve dans son roman. Le roman du blues d’Albert, ouvrier-paysan chez Michelin, qui, la cinquantaine venue, ne se sent plus à sa place, en ce début de juillet 1961. Sa femme, Suzanne, férue de modernité, lui échappe. Des robes neuves, une cuisine en formica, la machine à laver, elle en veut toujours plus. Ce jour-là, c’est la télévision qui va faire son entrée dans leur foyer. La première du village, alors elle a invité tout le monde! Car ce soir, à la télévision, un documentaire va montrer aux Français la guerre d’Algérie, à travers l’interview de jeunes appelés. Et parmi eux, Henri, le fils chéri.
La chaleur épuise Albert, l’envie de mourir le hante. La pensée de Gilles, son plus jeune fils, le retient. Mais Gilles s’est découvert une passion pour les livres. Et Albert sent que sa présence n’est plus utile. Il attend le déclencheur.

Les années 60 et leurs bouleversements économiques, la difficulté d’adaptation du monde rural, la menace d’une longue guerre en Algérie, ce livre présente en détail le chamboulement sociologique et psychologique d’une époque troublée. Mais l’analyse fouillée des caractères, des dissensions, des non-dits dans les familles, donnent aux personnages de Jean-Luc Seigle une valeur d’éternité. Un livre poignant.

En vieillissant les hommes pleurent est disponible en Poche chez J’ai Lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 30 avril 2015.

dimanche 19 avril 2015

André Lhote, Pierre Palué, et l'école de peinture de Mirmande

Un public nombreux et passionné a assisté, samedi 18 avril, à la conférence donnée par M. Georges Fréchet, éminent historien de l'art, sur l'influence artistique du peintre André Lhote (1885-1962), un des fondateurs de la peinture moderne. Accompagnant en images l'analyse de l'oeuvre picturale, le conférencier a insisté sur l'importance d'André Lhote en tant que pédagogue et théoricien de l'art. L'accueil chez lui, à Mirmande, d'artistes fuyant Paris, pendant la guerre de 1939-1945, a été à l'origine d'une aventure humaine et artistique qui a fait la réputation de ce village de la Drôme.
C'est ainsi que Pierre Palué (1920-2005), jeune peintre évadé d'un camp de prisonniers, a fait la connaissance d'André Lhote, en 1941. Bénéficiant de conseils éclairés, il a déployé ensuite son talent dans la Drôme, une étape fondamentale pour celui qui deviendra le Peintre de Chavannes. Le musée Palué de Tain l'Hermitage, qui fête ses 15 ans d'existence, tenait à rappeler ce précieux héritage artistique.

André Lhote, né à Bordeaux, étudie la sculpture sur bois, avant d'entrer aux Beaux-arts, et de choisir la peinture. Après avoir flirté avec les avants-gardes fauves et cubistes à Paris, admiratif de Gauguin et Cézanne, ce passionné d'art africain refuse l'abstraction totale, mais combine hardiment la géométrie, la décoration classique, les couleurs. Il expose avec succès dès 1910, se lie avec les intellectuels de l'époque, Alain-Fournier, André Gide, Jean Cocteau. Missionné comme peintre des ports pendant la guerre de 1914, il revient à la vie civile avec une théorie approfondie sur l'art et son enseignement.
Il commence à professer, puis ouvre sa propre école de peinture en 1922 : l'Académie de la grande chaumière. Brillant pédagogue, il est le mentor d'une pléiade d'artistes internationaux. Réunit des textes de grands maîtres : "De la palette à l'écritoire", rédige d'importants ouvrages théoriques et critiques : "Traité du paysage".
En 1925, André Lhote tombe sous le charme d'un village "cubiste" aux couleurs éclatantes : Mirmande, dans la Drôme. Il s'y installe, malgré le délabrement, et y attire ses élèves durant des stages d'été. A partir de 1940 et pendant toute l'occupation, Mirmande étant en zone libre, il accueille dans sa maison nombre d'artistes en fuite. Une vingtaine de peintres pourra ainsi continuer à créer autour de lui. L'Ecole de Mirmande est née, certains artistes s'y établiront définitivement. André Lhote, lui, poursuivra ensuite ses recherches à Paris, développant une peinture plus abstraite, et publiant d'autres ouvrages de référence : "Traité de la figure", "Les invariants plastiques ", considéré comme son testament artistique.


Les amis du Musée Pierre Palué et la ville de Tain l'Hermitage vous invitent à poursuivre cette histoire picturale en visitant l'exposition anniversaire, proposée du 22 avril au 28 octobre 2015, dans le cadre charmant de l'Hôtel particulier des Courbis, en vieille ville.
Exposition ouverte les mercredis, jeudis dimanches. Entrée adulte : 4€.


Article publié dans le JTT du jeudi 23 avril 2015.

dimanche 12 avril 2015

Pâques orthodoxes en Russie

L’année religieuse orthodoxe étant réglée sur le calendrier julien, la fête de Pâques est célébrée après la nôtre, le 12 avril 2015. Cette fête est vécue comme le moment le plus important de l’année, bien plus que Noël, et revêt une extrême solennité.
La religion orthodoxe se réclamant de la tradition des premiers chrétiens, mêlée à l’influence orientale de Byzance, l’observation d’un strict rituel et la beauté formelle du décor sont extrêmement  importantes.

Tout commence par un Carême de quarante jours, marqué de célébrations pénitentielles. Les offices, qui durent environ deux heures, debout, rassemblent des foules considérables. Mais pas d’assistance passive, les fidèles vont prier d’une icône à l’autre, et n’assistent pas forcément à la célébration en entier. Avant de pénétrer dans l’église, ils se signent et s’inclinent, les femmes doivent couvrir leur tête, les hommes se découvrir. Ensuite chacun évolue à son gré, baisant les icônes, parfois le sol, s’agenouillant pour prier, allumant un cierge, les manifestations de ferveur sont très marquées.
La décoration intérieure des églises est somptueuse : Icônes précieuses entourées de fleurs fraîches, fresques et mosaïques d'or et d'argent illuminées par une multitude de cierges.  Les prêtres vêtus de majestueuses chasubles officient derrière les  riches iconostases de bois et d'or, puis viennent vers l'assistance distribuer l’encens, oindre d’huile, confesser, bénir. Des chants polyphoniques, exécutés par d’invisibles chœurs, ajoutent à l'ambiance solennelle empreinte de mystère.

 La veillée de Pâques débute par une procession nocturne autour de l’église. Le clergé en vêtements d’apparat, alternant chants et lectures de l’Evangile, suivi des fidèles portant des cierges allumés, fait trois fois le tour de l’église, rappelant ainsi les disciples cherchant le corps de Jésus. A minuit, les cloches résonnent pour annoncer la Résurrection. Tout le monde entre à l’intérieur de l’église, les Matines célèbrent la fin du Carême. C’est un long et fervent office exaltant Lumière et Joie. Puis les fidèles retournent chez eux partager les œufs peints en rouge, rappel du sang du Christ, et la Paschka, gâteau traditionnel au fromage blanc, bénis à l’église. Ce jour-là et les suivants, quand on rencontre quelqu’un, on le salue avec l’expression : le Christ est ressuscité ! Il répond : Oui, il est vraiment ressuscité.

 La religion orthodoxe a repris une grande importance dans la société russe, autrefois contrainte à l’athéisme soviétique. De pratique cachée, symbole de résistance, elle est quasiment devenue religion d’état avec l’aval de Poutine, même si d’autres religions coexistent dans cet immense pays aux nombreuses ethnies.


Article publié dans le JTT du jeudi 16 avril 2015.

dimanche 5 avril 2015

Abricotiers et pêchers en fleurs



La beauté de la Drôme, terre nourricière profuse, explose au moment de Pâques. Les arbres fruitiers fleurissent, vergers blancs ou roses à l’infini. Un enchantement. Même pas besoin de sortir de voiture ! Entre Vienne et Montélimar, des rives du Rhône aux contreforts du Vercors, des kilomètres de nuages mousseux aux délicates teintes pastel se déploient le long des routes pour le plus grand plaisir des yeux.





Comme les Japonais, pour qui la floraison des cerisiers est une fête nationale, célébrons le retour du printemps, la force de la vie, la beauté de la nature.


Joyeuses Pâques !

jeudi 2 avril 2015

Le Fonds Voltaire de la Bibliothèque nationale de Russie

La bibliothèque de Voltaire a été acquise par Catherine II peu après la mort de l’écrivain, en 1778. Par l’intermédiaire de son agent littéraire et politique, le Baron Grimm, l’Europe entière en fut informée. Les 6700 volumes, lettres et manuscrits du philosophe, avec qui elle avait échangé une correspondance régulière durant des années, furent achetés à sa nièce, Madame Denis. Mieux : Catherine avait pour projet de faire construire un mausolée digne de ce fonds dans les jardins de sa résidence de Tsarskoie Selo : une réplique exacte du château de Ferney, où Voltaire avait vécu paisiblement ses dernières années. Elle dépêcha à Ferney architectes et dessinateurs avec mission d’en dresser les plans. Une grande maquette démontable du château fut même construite. Le Ferney russe devait être un reproche vivant à l’absolutisme français qui avait traité la dépouille de Voltaire avec mépris.

Livres et manuscrits furent d’abord acheminés avec grand soin jusqu’à Genève, puis Francfort et Lübeck. Lorsque la fonte des glaces permit la navigation sur la Baltique, un bateau spécialement affrété les convoya jusqu’à Saint-Pétersbourg, où ils arrivèrent en août 1779, et furent installés dans la bibliothèque du Palais d’Hiver. Si le projet de construction de la copie du château de Ferney n’aboutit pas, la bibliothèque de Voltaire devint partie intégrante de celle de l’Impératrice, qui fit ensuite l’acquisition de celle de Diderot, puis d’autres riches collections particulières. L’esprit des lumières enthousiasmait alors la Russie, mais pas la France !
La bibliothèque impériale devint une curiosité que les diplomates et voyageurs étrangers visitaient avec délectation.
Le fonds Voltaire était un modèle de bibliothèque d’encyclopédiste du XVIIIe siècle : Droit, philosophie, histoire, spiritualité, théâtre, romans et magazines, courriers échangés avec toute l’Europe. Au milieu  de la salle trônaient la statue en bronze de l’écrivain et la maquette de son château.

Sous le règne de Nicolas Ier, la bibliothèque, symbole de libre-pensée, fut fermée au public, mais une exception fut faite pour l’illustre écrivain Pouchkine, à condition qu’il ne consulte que les ouvrages historiques...
La Bibliothèque Nationale de Russie, issue de la bibliothèque impériale, immense bâtiment à colonnades construit par Carlo Rossi place Ostrovski, a été inaugurée en 1814. C’est une des plus grandes bibliothèques du monde. Environ 15 millions de livres, 13 millions de magazines et revues, 617 000 tomes annuels de journaux et 450 000 manuscrits.

Et je n’ai pas pu la visiter !