mardi 27 janvier 2015

Le Musée des Confluences de Lyon

Après de nombreuses polémiques, coût exorbitant, esthétique discutable, délais dépassés ... il est temps de rendre justice au Musée des Confluences, enfin opérationnel.
L'intérieur d'abord. Le bâtiment, gros vaisseau spatial posé sur l'extrême pointe de la presqu'île, s'efface dès l'entrée pour laisser place à une vue magnifique sur les deux fleuves, Rhône et Saône. Plus on s'élève, en pleine lumière, dans la structure d'acier et de verre, jusqu'à la terrasse sommitale, plus le panorama sur la ville est éblouissant. Un bon point pour le cabinet d'architecture autrichien Coop Himmelblau.

La collection permanente au deuxième étage est superbe. Comme au Muséum d'histoire naturelle de Paris, elle présente, dans une grande galerie de l'évolution, les êtres vivants depuis les origines. La scénographie est spectaculaire, révélant la beauté des couleurs, des graphismes, des formes qu'offre la nature. Collections de papillons multicolores, coléoptères élégants, coquillages-bijoux et poissons rarissimes. Squelettes de dinosaure ou de mammouth, animaux sauvages, girafe, ours brun ou lion, présentés en chair et en os, grandeur nature, prouesses bluffantes des taxidermistes. Une initiation aux sciences naturelles, paléontologie, minéralogie, entomologie, anthropologie, zoologie. Mais surtout un émerveillement immédiat et total, les visiteurs retrouvent leurs yeux d'enfant.

Une exposition temporaire rend hommage à Emile Guimet (1836 - 1918), industriel lyonnais, voyageur infatigable, collectionneur d’œuvres d'art et mécène. Après avoir fondé un premier musée à Lyon, en 1879, il a créé le fameux musée Guimet à Paris, pour exposer ses trésors d'Extrême-Orient. Les pièces proposées au Musée des Confluences donnent un bel aperçu de sa quête de défenseur des civilisations perdues : Statuettes, calligraphies, armes, objets de culte, vases précieux, égyptiens, khmers, japonais ou chinois. Une fabuleuse découverte de l'art asiatique.

Le Musée des Confluences, depuis son ouverture le 20 décembre, connaît un beau succès. La richesse des collections présentées stupéfie la foule considérable de visiteurs, bien au-delà des prévisions. Reste encore quelques aménagements à mettre en place : brasserie gastronomique, spectacles ou ateliers. Impossible de rater ce mastodonte de béton posé au milieu des docks au sud de Lyon, entre Rhône et Saône. Son accès est facile, une passerelle aérienne a été construite exprès pour relier Gerland au nouveau quartier Confluence. N'attendez pas pour le découvrir, courez-y en famille !

Ouvert du mardi au vendredi de 11h à 19h, week-end de 10h à 19h.
Entrée adulte plein tarif 9€, réduit 5€, moins de 18 ans gratuit.

Article publié dans le JTT du jeudi 29 janvier 2015.

jeudi 22 janvier 2015

Chronique littéraire : L'échange des princesses, de Chantal Thomas

Il vaut parfois mieux être bergère que princesse. L’histoire que nous conte Chantal Thomas est édifiante et cruelle. Il ne s’agit pourtant nullement d’une fiction, mais d’un fait historique, un marché conclu entre deux puissances rivales, l’Espagne et la France, en 1721.
Le duc d’Orléans, régent, veut garantir sa fonction en consolidant la paix durablement. Pour cela, il propose un double mariage : l’infante Maria Victoria épousera le jeune roi de France Louis XV, et sa propre fille, Louise de Montpensier, s’unira à l’infant Luis d’Espagne.

C’est risqué : les mariés sont des enfants. Maria Victoria a quatre ans, Louis XV onze, comme Louise de Montpensier, et Luis d’Espagne quatorze. Leurs attentes sont différentes, leurs caractères peu affirmés. Maria Victoria joue à la poupée, Louise enrage contre le monde entier, Louis ne se plait qu’en compagnie de ses pages, et Luis refoule ses complexes dans d’interminables parties de chasse. Deuxième écueil : ces enfants n’ont connu nulle affection, ils sont livrés à la politique, à une étiquette  rigide, dans une cour sournoise, où les jalousies s’exacerbent, et où personne ne s’occupe de leurs sentiments.
Les sacrements de baptême, communion, mariage, sont expédiés en un temps record. Commence alors le voyage des princesses, l'une depuis Madrid, l’autre depuis Paris, en compagnie de brillantes escortes. Une expédition de plusieurs mois, qui parfois se transforme en calvaire. Enfin, l’échange a lieu sur l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa. Maria Victoria continue vers Paris, Louise vers Madrid.

Le chroniqueur Saint-Simon a accompagné Louise à Madrid. Fin observateur de la Cour, il a comparé les réactions. En Espagne, la reine Elisabeth Farnèse, sans cœur, domine le lubrique roi Philippe. En France, c’est la guerre entre les ducs d’Orléans et de Bourbon. Les deux petits couples tentent de faire bonne figure, mais derrière les apparences la perversion règne, les divergences se creusent. La mort du régent remet tout en question, puisque les mariages ne sont pas consommés.

Chantal Thomas, née à Lyon en 1945, auteure et universitaire spécialiste du XVIIIème siècle, en propose ici une vision très documentée, ainsi qu’une brillante analyse de caractères. Entre folie, amour, détresse, indifférence, cruauté, tout est mal qui finit mal pour les enfants royaux.

L'échange des princesses est disponible en poche chez Points.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 29 janvier 2015.

dimanche 18 janvier 2015

Roule galette !

C’est le titre d’un album très connu du Père Castor, que tous les enfants de maternelle récitent en janvier : La galette toute chaude tombe de la fenêtre, et roule, roule, essayant d’échapper aux gourmands. Mais connaissez-vous la véritable histoire de la galette ? A vrai dire, il y en a plusieurs, chaque civilisation célèbre à sa façon le renouveau.

Dans les sociétés chrétiennes, la galette des rois est associée à l’Epiphanie. On fête ce jour-là la présence des rois mages chargés de cadeaux  autour de l’Enfant Jésus, une explication simple. Mais l’Epiphanie recouvre un concept beaucoup plus vaste : Le mot d’origine grecque épiphanie signifie : apparition, manifestation divine. Jusqu’au Vème siècle, l’Epiphanie était donc le jour où l’on célébrait la naissance de Jésus, le choix du 25 décembre pour fêter Noël n’a été fixé qu’après. L’Epiphanie fut donc la première fête de la Nativité. On l’a conservée, fixée au 6 janvier, puis, n’étant pas fériée, placée au premier dimanche de janvier. Ce jour-là, traditionnellement, on « tire les Rois ».

Mais bien avant la naissance de Jésus, des célébrations païennes honoraient le retour de la lumière, après le solstice d’hiver. Quelle meilleure allégorie du soleil qu’un gros pain rond et doré ? On retrouve cette célébration dans le culte de Dionysos en Grèce antique, dans les Saturnales chez les Romains. C’est d’ailleurs à Rome que sont apparues les premières fèves cachées dans les gâteaux. Les Saturnales duraient sept jours, elles étaient l’occasion de bouleverser, de critiquer l’ordre social. Celui qui trouvait la fève changeait de rôle hiérarchique, ainsi l’esclave pouvait régner en maître pour un jour. Le plus jeune de la famille se cachait sous la table pour attribuer les parts.
 
Au Moyen-âge, on partageait le gâteau des Rois en autant de parts que de convives, plus une : la part du pauvre, donnée au premier mendiant se présentant au foyer. La fève, graine d’un légume courant à l’époque, fut remplacée peu à peu par une fève en porcelaine représentant l’Enfant Jésus dès le XVIIIème siècle. Puis, au fil du temps, les motifs se sont diversifiés : personnages, métiers, pièces d’or parfois. Au XXème siècle l’avènement du plastique a permis toutes les fantaisies.

Il en est de la recette de la galette comme de son origine : chaque région a sa version. La galette traditionnelle en pâte feuilletée, fourrée à la frangipane, laisse place à la brioche aux fruits confits dans le Sud, et à la galette comtoise, à base de pâte à choux et fleur d’oranger, dans l’Est. Quand la consommer ? Tous les jours de janvier. Roulez galettes !

Article publié dans le JTT du jeudi 15 janvier 2015.

mardi 13 janvier 2015

Chronique littéraire : Du Sahara aux Cévennes, de Pierre Rabhi

Une autobiographie, qui retrace les grandes étapes du parcours de Pierre Rabhi. Un long voyage personnel, géographique, mais aussi spirituel.
Dès l’enfance, rien de banal. Né dans un village traditionnel du désert, il est pourtant éduqué à l’occidentale. Musulman, il est confronté la foi catholique. Intellectuel, il travaille de ses mains, à l’usine, puis aux champs. Émigré en France, c’est dans la terre des Cévennes qu’il trouve son ancrage. Son écoute, sa tolérance sont le fruit de toutes ces influences contradictoires.

Comme un conteur oriental, Pierre Rabhi manie l’ellipse, élude les dates,  mais son récit initiatique reste cohérent. Le style poétique trouve son ampleur dans les descriptions de la nature, et permet d’alléger la rigueur des réflexions poussées sur la spiritualité, philosophie, l’agronomie. Pour simplifier, disons que Pierre Rabhi est adepte de l’équilibre terre- végétal- animal- humain. La réussite de son implantation en Ardèche, après mille difficultés,  est l’illustration parfaite de sa théorie.

Pierre Rabhi est né en 1938 en Algérie. Poète, écrivain, pionnier militant de l’agriculture biologique, il est reconnu comme expert international et a publié de nombreux ouvrages. Ce récit de vie permet de comprendre la genèse de sa philosophie, comme l’indique le sous-titre : itinéraire d’un homme au service de la Terre-Mère.
Du Sahara aux Cévennes est édité par Albin Michel.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 8 janvier 2015.

samedi 10 janvier 2015

Le cardon, légume de saison

Ce légume, tant par l'aspect que par le goût, est un proche parent de l'artichaut. Il est une forme géante de leur ancêtre commun, le chardon, avec des pétioles larges et charnus. Légume traditionnel du bassin méditerranéen, le cardon est tombé en désuétude, sauf dans la région de Genève, le Lyonnais et le Nord de l'Italie. Il est actuellement remis à la mode  pour son goût délicat d’artichaut relevé d’une pointe de noisette.
De nos jours, il existe deux types de cardons : Le plan primitif, couvert d'épines, comme le Cardon Argenté de Plainpalais, (AOC depuis 2003), cultivé en Suisse, où il  fut exporté vers 1685 par des émigrés protestants qui fuyaient l’Edit de Nantes. Et un cultivar dépourvu d'épines, comme le Cardon Vert de Vaulx-en-Velin, mets traditionnel lyonnais, qui fait le délice des grands chefs de la capitale gastronomique.

Le cardon est une plante vivace disposant d’une longue racine pivot. Il est semé tardivement, en avril-mai, pour qu’il n’ait pas le temps de fleurir, sauf lorsque l’objectif est d’en multiplier les graines. Contrairement à son cousin l’artichaut, dont on consomme la fleur, le cardon n’est cultivé que pour ses côtes (les cardes). Fin août, les cardons atteignent leur plein développement. Les larges feuilles s’étalent au sol. Il faut alors les attacher pour assurer leur blanchiment. C’est ainsi qu’en automne, on voit dans les jardins des silhouettes hirsutes, emballées dans des sacs en plastique, dont ne dépassent que quelques feuilles ciselées. Les plantes, qui mesurent près de 1,50mètre, restent enveloppées jusqu’à la récolte. A l’abri de la lumière, plus de photosynthèse, les cardes blanchissent, tout en continuant à grandir, devenant tendres et croquantes.

Le cardon est le légume d’hiver par excellence, on le trouve sur tous les marchés dès la Toussaint. Embarrassant à transporter, il faut tout de suite le préparer. On coupe ses côtes en tronçons pour en ôter les fils, ainsi que la pellicule qui recouvre la face creuse, comme on le ferait pour les branches de rhubarbe, puis on plonge les morceaux dans de l'eau citronnée afin d’éviter qu'ils noircissent. La cuisson s'effectue dans l'eau citronnée bouillante à laquelle on ajoute un peu de farine préalablement délayée, pendant 20 à 25 minutes. Cuit de cette manière, le cardon révèle toute sa saveur. Les tronçons pourront alors d'être servis en béchamel ou nature, avec une noisette de beurre ou arrosés de jus de viande, ou accommodés aux fines herbes. Ils accompagnent idéalement les viandes blanches, en particulier la traditionnelle volaille de Noël.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 janvier 2015.

jeudi 8 janvier 2015

lundi 5 janvier 2015

Chronique littéraire : Heureux les heureux, de Yasmina Reza

Eh bien, des heureux, dans ce livre, il n’y en a guère. Couples aigris, amants déboussolés, enfants atteints de troubles psychiques, vieillards grincheux, le tableau est plutôt déprimant.
Ce qui ne l’est pas, c’est le traitement. Au contraire, le style est jubilatoire. Yasmina Reza nous force à sourire, à rire même, de ces tristes situations par un humour noir, l’originalité  des scènes choisies et une approche légère. C’est vivant, tonique, hilarant parfois, ironique toujours, un vrai régal pour qui aime observer ses contemporains.

Les chapitres courts portent le nom de la personne principalement concernée, ils montrent un moment de leur vie, on retrouve ensuite les personnages dans d’autres chapitres, avec un rôle mineur. Ils sont plutôt actifs, aisés, nantis de familles et d’amis. Pourtant ils ne maitrisent plus leur vie. Et c’est en cet instant de fêlure que l’auteur les présente. Une comédie humaine qui ne se réduit pas aux beaux quartiers, mais touche chacun par son réalisme sans jugement.

Yasmina Reza, née en 1959 à Paris, est une auteure à la production très variée (théâtre, romans, scenarii mettant en scène les défauts et le ridicule de personnages contemporains). Elle a obtenu de nombreux prix pour ses pièces de théâtre.
Heureux les heureux est disponible en collection de poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 25 décembre 2014.

jeudi 1 janvier 2015