mercredi 26 février 2014

Chronique littéraire : Peste et choléra, de Patrick Deville

On peut être médecin, chercheur, découvreur de vaccins majeurs, et préférer l’aventure à la gloire. Alexandre Yersin a vite quitté le laboratoire de Louis Pasteur pour sillonner les océans, tour à tour marin, explorateur, géographe, baroudeur, agronome en Asie du Sud-est.
Un livre éblouissant, porté par l’écriture jubilatoire de Patrick Deville, écrivain voyageur qui met ses pas dans ceux de ce phénomène aux semelles de vent.

Alexandre Yersin est né en 1863 au bord du lac Léman. Etudes à Berlin, puis à Paris, où il se distingue dans l’équipe de Pasteur, en découvrant le bacille de la tuberculose. La recherche l’ennuie rapidement, devenu médecin, il s’engage sur les lignes maritimes des Messageries d’Asie, explore de nouvelles contrées, décide de s’installer à Nha Trang, au Vietnam, où il défriche la terre, installe un laboratoire, expérimente de nouvelles cultures. Mandaté pour éradiquer la peste qui sévit à Hong-Kong, il identifie le bacille dans des conditions rocambolesques, avant de retrouver l’anonymat de son domaine, et poursuivre le développement de sa région d’adoption.

Le livre approfondit plusieurs thèmes : la recherche médicale, bienfaits, émulation et course à la gloire. La politique coloniale au Tonkin, en Afrique, responsables politiques éphémères, arrogance, immobilisme,  et retournements de situation. Le gaspillage humain et matériel des guerres mondiales. Rien de tout cela ne motive Alexandre Yersin. Ce qui le caractérise, c’est sa curiosité, son sens du progrès,  son activité intellectuelle insatiable (jusqu’à plus de 80 ans) et  son besoin physique de bouger, de découvrir à ses risques et périls des terres inconnues. Pourtant, il deviendra riche et célèbre au Vietnam, pays où il est vénéré comme précurseur du développement social et économique.

Patrick Deville est né en 1957. Passionné de voyages au long cours, Afrique, Asie, Amérique du sud, enseignant,  philosophe, écrivain, il a obtenu le Prix Fémina 2012 avec ce roman flamboyant.
Peste et Choléra est disponible en Points Poche au prix de 6€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 20 février 2014.

jeudi 20 février 2014

Elena et le Caporal Peugeot

Une histoire d’amour ? Non, mais une belle rencontre.
Elena est une artiste russe qui habite Joncherey depuis deux ans. Peintre, sculpteur, décoratrice, elle a fait ses études à l’Académie des Beaux-arts de Saint Petersburg, et cherche à s’intégrer dans la vie artistique belfortaine.

Le Caporal Peugeot, décédé il y a cent ans, est célèbre en tant que premier mort de la Guerre de 1914.
Né en 1893 à Etupes, instituteur mobilisé, son escouade de fantassins est chargée de surveiller la frontière franco-allemande. Le 2 août 1914, un détachement de cavaliers prussiens en reconnaissance viole cette frontière. Une jeune paysanne de la ferme de Joncherey où ils logent, donne l’alerte : Les Boches ! Peugeot et ses hommes saisissent leurs fusils, les Allemands, sous les ordres du lieutenant Mayer, approchent au galop. Au "Halte-là" répond "Chargez !" Mayer blesse une sentinelle française au sabre, puis tire au pistolet sur le Caporal. Celui-ci, bien que touché, réplique avec son fusil, avant de s’écrouler. Mayer tombe de cheval. Les soldats des deux bords se dispersent, les deux officiers gisent au sol, morts.
Le lendemain, 3 août, la guerre est déclarée officiellement entre la France et L’Allemagne.

Elena, curieuse de l’histoire de son nouveau village, s’est passionnée pour la fin triste et romanesque  du Caporal Peugeot. A travers les documents, elle a découvert le visage ouvert d’un beau jeune homme, elle en a fait le portrait. Et proposé une maquette de médaille à la mairie, Commémoration de la Grande Guerre oblige.
Hélas, point de fonds disponibles, et surtout point de motivation, ni à Joncherey, ni à Etupes, ni à Belfort : les mairies sont prises dans le grand tourbillon des élections !

En primeur, voici les œuvres réalisées. Si vous avez une vocation de mécène …

lundi 17 février 2014

Les charmes de Lisbonne

Besoin de changer d’air, de balayer les soucis ? Lisbonne, destination encore épargnée par le tourisme de masse, offre généreusement sa douceur de vivre. Un accueil sympathique, une topographie simple, sept collines entourant la ville basse au bord du Tage, incitent à profiter sans souci de ses richesses et de son authenticité. Pas de problèmes de circulation, ni de files d’attente en cette saison. Et la langue portugaise, difficile à prononcer, se révèle familière à lire, par son origine latine.

Patrimoine ancien d’abord, hérité de l’immense empire colonial développé par les conquistadors, Vasco de Gama en figure de proue. Somptueuses églises baroques, riches palais, musées historiques, artistiques et de la Marine, places majestueuses ornées de statues et fontaines Art Déco. Tout cela dispersé dans une ville à taille humaine, où il fait bon flâner.
Mais c’est en parcourant à pied les collines, encore dans leur jus, qu’on peut apprécier le côté délicieusement désuet de la ville. Des immeubles couverts d’azulejos aux motifs et couleurs variés jouxtent des habitations décrépites.  Partout, des boutiques et ateliers datant des années 50, d’extraordinaires librairies aux rayonnages à l’ancienne, des pâtisseries aux effluves de cannelle, de cacao ou de café, des bars aux intérieurs en bois et en cuivre, des terrasses et restaurants de poissons bon marché. Fado en live dans le Bairo Alto, où il fait bon musarder le soir. Et si vous êtes fan de design, des créateurs inspirés ont envahi le Chiado.  En cas de fatigue, de nombreux transports en commun sont à disposition. Les touristes préfèrent les antiques trams jaunes qui halètent dans les montées vertigineuses, débouchent sur des points de vue spectaculaires, avant de plonger de l’autre côté. Frissons garantis.

Ruelles et escaliers dégringolent tous vers le centre ville, Baixa, au classicisme strict,  reconstruit après le tremblement de terre de 1755. C’est là que bat le cœur de Lisbonne, qui affiche un paisible cosmopolitisme. La population est mixte, beaucoup de Brésiliens sont ici chez eux. Les marchés regorgent de fruits exotiques. Les jardins botaniques cultivent des essences rares rapportées du monde entier.

Le Tage s'étale au bout de la vaste Praça do Comercio, au joli pavement en vagues de calcaire et basalte. Là commence l’activité du port, jusqu’à Belem, où s’engouffre le vent de l’Atlantique. Ça décoiffe!

mardi 11 février 2014

Chronique littéraire : La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry ..., de Rachel Joyce

Une randonnée pédestre improvisée d’environ mille kilomètres, du sud au nord de l’Angleterre, ça vous tente ? Cette aventure à la fois délirante et profonde, dans laquelle Rachel Joyce nous entraîne, ne laissera personne indifférent.

Harold et Maureen forment un triste couple de retraités, dont la vie n’est qu’une suite de conventions, de répétitions, d’obligations. Mais un jour, une lettre arrive : Queenie, ancienne collègue d’Harold, se meurt d’un cancer. Troublé par cette résurgence du passé, Harold se met en route pour rejoindre Queenie. Facile ? Certainement pas : Queenie est hospitalisée à huit cents kilomètres. Sur un coup de tête, Harold décide de la rejoindre … à pied. Il découvre ainsi le monde de la marche. Ses bienfaits : retrouver des sensations corporelles, apprécier les paysages, être libre, mais aussi ses souffrances physiques. Harold croise de nombreuses personnes, touchées par son projet fou, mais connait aussi des moments de solitude douloureux, où il revisite sa vie, comprend ses erreurs passées, fait le bilan.

Au début, le récit peine à trouver son rythme, un peu comme dans une longue randonnée. Puis il prend sa vitesse de croisière, lorsque le projet s’affirme. Quand le périple tourne au pèlerinage médiatique, Harold ne maîtrise plus rien, il est épuisé. Maureen, restée au foyer, dans le déni, à son tour, évolue, comprend.
Un beau récit d’expiation et de renaissance, au message clair : il faut suivre son chemin, ses idées, être honnête avec soi-même. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Rachel Joyce vit en Angleterre avec sa famille, elle est depuis une vingtaine d’années scénariste pour la télévision et le théâtre. La lettre qui… est son premier roman.
En poche chez Pocket au prix de 7.60€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 13 février 2014.

mercredi 5 février 2014

C'est la saison du kiwi

Le kiwi est le fruit d’une liane appelée Actinidia. Sa première description a été faite en 1750 par un jésuite français en mission en Chine. Importé en Nouvelle-Zélande, dans les années 40, sous le nom de groseille de Chine, il y a trouvé une terre propice. A partir de 1953, les Néo-zélandais l’appellent kiwi, comme l’oiseau du même nom, emblème du pays, à cause de sa peau duveteuse et brune. Dans les années 60, un architecte français en rapporte au Jardin des Plantes, puis commence la culture des plants en Dordogne.
En 2009, 1,38 Million de tonnes de kiwis ont été produits dans le monde, dont environ la moitié en Europe méridionale : Italie, Grèce, France, Portugal. Les deux pays leaders sont la Nouvelle-Zélande (28 %) et le Chili (16 %). En France, les kiwis de l’Adour disposent d’une IGP. On les cultive dans la Drôme depuis les années 1970.

Planter un kiwi ?
Attention, si vous voulez récolter des fruits, il ne faut pas planter UN Actinidia, mais plusieurs : Un plan mâle pour ... un, deux ou trois plans femelles ! Plusieurs variétés sont disponibles, la Hayward, cultivée un peu partout en France, aime les situations  ensoleillées, abritées des vents dominants. Prévoyez un  treillis, une pergola ou tout autre support permettant aux lianes de grimper, et n’oubliez pas de tailler régulièrement.
Ensuite, il faut attendre, car les premiers fruits n’arrivent qu’après  4 à 5 ans minimum, le temps pour les plants de se développer, et de fleurir.
La fructification dépend des conditions de pollinisation. Le vent n’est pas toujours suffisant et la présence d’abeilles est nécessaire. Les pieds mâles et femelles  fleurissent tous les deux, on peut alors les distinguer : les fleurs du pied  femelle sont blanches, celles du pied mâle sont de couleur crème, avec de nombreuses étamines jaunes. Le pied mâle est plus florifère que le pied femelle.

Le fruit
On récolte le kiwi en automne, il est alors trop dur pour être comestible, mais il continue de mûrir après récolte. Il se conserve facilement à température ambiante. On peut donc l’acheter ferme, mais il sera d’autant plus sucré que sa chair sera souple sous la pression du doigt. C’est en janvier qu’il atteint sa maturité naturelle. Sa pulpe verte et ses minuscules graines noires  sont un concentré d’énergie (vitamines C,  A et Ecalciumfer…)

En cuisine :
La saveur acidulée du kiwi se prête aux mélanges aigres-doux, avec viandes, salades  et  poissons. On peut l’utiliser cru, en purée, ou en sauce. Au dessert, le kiwi se consomme nature, à la petite cuillère. Cuit, en clafoutis, tarte, gratin ou crumble. En sorbet, salade de fruits exotiques, avec du fromage frais. Son jus sucré et légèrement acidulé se marie avec les jus de pomme et d’orange. Et pour égayer les assiettes, rien de mieux que ses beaux yeux verts irisés de petits grains noirs…
En février, je termine mes derniers kiwis en confiture. Un délice, sur une tranche de pogne grillée !