dimanche 23 juin 2013

Chronique littéraire : Le Turquetto, de Metin Arditi

En cette saison d’expositions et de vernissages, comment ne pas céder à l’histoire époustouflante du Turquetto, disciple du Titien ? Un voyage passionnant, de Constantinople à Venise, entre complots et querelles, dans un 16ème siècle à la fois raffiné et cruel.

Elie, jeune juif de Constantinople, passionné par le dessin et la calligraphie arabe, choisit d’émigrer à Venise pour pouvoir vivre sa passion de la peinture. Il se fait appeler Elias, pour fuir les persécutions religieuses. Elève prodige dans le célèbre atelier du Titien, il gravit peu à peu tous les échelons, jusqu’à obtenir les plus prestigieuses commandes. Sa spécialité : les sujets religieux, qu’il sait épurer superbement, grâce à sa connaissance intime des trois religions : la juive de son enfance, l’islam de son premier maître, et l’orthodoxe qu’il prétend être sienne. Mais dans la Venise de la Renaissance, les jaloux veillent, et l’intolérance règne. L’Inquisition permet de liquider facilement les concurrents encombrants. Elias sauvera-t-il sa vie et son œuvre ?

Metin Arditi est l’écrivain idéal pour cette grande fresque cosmopolite. Né en Turquie en 1945, il a émigré en Suisse dès l’âge de 7 ans. Après des études à l’Institut Polytechnique de Lausanne, puis à l’Université de Stanford, il a brillamment réussi dans les affaires internationales, avant de se consacrer à l’écriture. Il réside actuellement à Genève, et préside l’orchestre national de Suisse Romande.

Le Turquetto vient de sortir en Babel Poche chez Actes Sud au prix de 8€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 20 juin 2013.

jeudi 20 juin 2013

Baignade interdite

Mardi, chaleur caniculaire. Départ de la rando à Malsaucy, je décide de mettre mon maillot dans le sac, une petite baignade improvisée me plairait bien.
D’ailleurs les baigneurs arrivent par grappes entières, le parking brûlant se remplit. Les copains randonneurs hésitent… Vous êtes sûrs qu’on y va ? Mais oui, on s’équipe. Eric nous entraîne rapidement le long des étangs, par un sentier ombragé, jusqu’à … l’aérodrome de Chaux. Surprise ! Il a décidé de réaliser aujourd’hui, sous nos yeux, le vol offert par le groupe à notre doyen, pour ses 80 ans. 

La météo étant favorable, il a tout préparé d’avance. L’avion est déjà sorti, sur la piste. Les vérifications sont faites. Il ne reste qu’à monter, et s’envoler, sous les vivats. Raymond est ravi, Eric aussi, voilà un cadeau qui fait deux heureux d’un coup !
La meilleure chose à faire, pour nous, pendant les 45 minutes du vol, c’est d’attendre à l’ombre. D’abord, à la terrasse de l’aérodrome. Les nouveaux gérants sont super sympas, malgré la fermeture pour travaux, ils nous offrent une citronnade bien fraîche.

Et puis, et puis, si on allait se baigner dans l’étang le plus proche ? Qui est d’accord ? Nous partons à trois, très déterminées, les autres nous rejoindront.
L’étang offre une vision magique, étendue verte limpide, entourée de végétation, les sommets des Vosges bleutés au loin, le ciel azur. Une pelouse agrémentée de bouleaux, agités par une petite brise, constitue une plage idéale. Nous posons nos sacs, enfilons nos maillots et plongeons. L’eau est délicieuse, nous nageons avec volupté.

Soudain, un homme apparaît dans notre champ de vision, venu du fond de l’étang, il marche à vive allure. Nous continuons à nous amuser, à rire, à plonger, en faisant mine de l’ignorer.
-         C’est interdit de se baigner dans cet étang ! Vous n’avez pas vu la pancarte : Baignade interdite?
-         Non, mais c’est une simple mesure de précaution,  on interdit quand il n'y a pas de surveillance.
-         Mais ici en plus c’est un étang privé.
-         Notre responsable est garde forestier, il nous a autorisé. 
-         Oui, mais moi je suis garde pêche, je vous dis que c’est interdit, l’étang est loué à des pêcheurs. Et puis c’est dangereux, vous n’avez pas pied, il y a plus de 4,50 m de fond.
-         Mais on sait nager !
-         Il y a eu des morts ici, des jeunes. Hydrocution ou ivresse. Faites attention.
-         Monsieur, n’ayez crainte, tout va bien. Nous sommes des nageuses confirmées. Pas ivres, ni jeunes, juste en lutte contre la déshydratation. On va sortir. Au fait, par où peut-on remonter ?
-         Par le déversoir, de l’autre côté. C’est moins abrupt pour vous, Mesdames.
-         Merci Monsieur, et bonne pêche !

Nous avons pris notre temps, et sommes ressorties quand le groupe au complet revenait, Eric en tête, et Raymond comblé, intarissable sur son vol. Echange d’émotions. Nous aussi étions heureuses : Les baignades interdites sont les meilleures !

samedi 15 juin 2013

Broderies au musée

Superbe salon « Art et tradition du fil », avec exposition de l’atelier « Si les points m’étaient comptés » au musée de Brebotte (90). Cette cinquième édition magnifie le talent des doigts de fée, en dévoilant toutes les techniques de broderie, couture, patchwork...


Sur deux étages, le foisonnement d’œuvres exposées surprend. D’abord les Diairis, jolies coiffes traditionnelles de Montbéliard, de velours noir rebrodé de perles. Puis les réalisations de l’atelier brebottais : Nappes, coussins, marquoirs, serviettes, au point compté, détournant avec humour proverbes et chansons. Et tous les stands d’amateurs ou professionnelles, rivalisant de créativité. On vient de Bretagne ou d’Alsace, de Suisse ou de Paris, on brode ou on coud, seule, en club, ou en couple. On vend bobines et cabas, pochettes et carnets, fils et tissus, canevas ou rubans. Côté modèles, les dessins naturalistes de MT Saint-Aubin attirent l’œil par leur délicatesse.

Et puis, tout au fond du musée, l’exposition de « Jours sur toile » est une pure merveille. Une technique difficile, très prisée, puisqu’un service de table est parti à Washington pour la Maison Blanche. Comment fait-on ? Au départ, il faut tirer délicatement des fils dans la toile, pour donner une transparence, regrouper ensuite ceux qui restent en faisceaux, les rebroder avec finesse, pour obtenir des dentelles arachnéennes. En laissant libre cours à son imagination et à sa compétence.

Un savoir-faire traditionnel, et le moyen d’arrondir les fins de mois dans les fermes des Vosges saônoises au siècle dernier, et jusque dans les années 1960. A l’époque, chaque brodeuse reportait au fur et à mesure les modèles des jours qu’elle inventait sur une pièce de tissu personnelle, qui lui servait de mémoire, et d'essai. Une de ces brodeuses, voyant la fabrication de "jours sur toile" disparaître, a photographié tous les modèles de ses connaissances, et a constitué ainsi un recueil recensant les différents types de jours. Elle a ensuite initié des stages, pour assurer la transmission de ce patrimoine artistique. C'est ainsi que la brodeuse présente au salon peut faire connaître cet art, tambour en main, et explications passionnées à l’appui.

Non, la broderie n’est pas démodée, au contraire. A Brebotte, le club du mercredi accueille toutes les générations, dont une quinzaine de jeunes. La responsable le proclame : ici, on entrelace  créativité, habileté, et convivialité.

vendredi 14 juin 2013

Chronique littéraire : Les revenants, de Laura Kasischke

 Dans ce roman palpitant, Laura Kasischke dévoile les dangereuses dérives des campus américains. Alcool, drogue, sexe, internet, mais surtout rituels de bizutage et abus de pouvoir transforment la sérénité des études en un piège malsain, voire macabre.

Tout commence par un accident mortel, la voiture conduite par Craig et sa petite amie Nicole s’écrase dans un fossé tout près de l’Université de Godwin. Nicole est morte, Craig a perdu la mémoire. Que s’est-il passé vraiment ? Tous ceux qui enquêtent sur l’affaire, professeurs comme Mira ou Shelly, élèves comme Perry ou Lucas, subissent des pressions pour cesser de poser des questions. Pourtant, il paraît qu’on a revu Nicole vivante sur le campus, est-ce un fantôme ?

Laura Kasischke réussit à nous brosser un portrait tout en nuances de la vie à l’université. Encadrement strict, performances intellectuelles, mais dérives morbides. Importance des apparences, de l’appartenance au groupe. Les étudiants les plus brillants font partie de sororités ou fraternités, mais pour y entrer, les rituels obligatoires, les défis proposés, sont dangereux, pervers, interdits, et secrets. Les déviations sont inévitables.
Que s’est-il réellement passé lors de l’intronisation de Denise ? Les différents protagonistes mènent leur enquête, l’intrigue haletante progresse à leur rythme, le dénouement sera terrible : il faudra perdre sa place ou sa vie.

Née dans le Michigan en 1964, Laura Kasischke est une écrivaine américaine célèbre pour ses poèmes, critiques sociales, ses romans noirs parfaitement maîtrisés. Elle enseigne l’art de l’écriture à l’université. Les revenants est disponible en Livre de poche au prix de 8€. 

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 13 juin 2013.

vendredi 7 juin 2013

Lire, écrire, randonner... en vélo électrique

Dimanche matin, à Tournon, la Compagnie Nationale du Rhône avait organisé, à l'occasion de la fête du vélo, une initiation au vélo électrique, grâce au partenariat du magasin Intersport pour le prêt du matériel, et des bénévoles de l'UCTT pour l'encadrement.

J'ai donc eu le plaisir de tester l'engin. Négligeant la nouvelle Viarhôna, piste cyclable trop plate à mon goût, et ventée ce jour-là, j'ai grimpé dans les collines de Tournon, jusqu'à la nouvelle gare du Mastrou à Saint-Jean, traversé vaillamment le pont du Duzon, avant de redescendre vers les quais, malgré un mistral ... gagnant. Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps, de redécouvrir ainsi des vignes au soleil, le paysage ouvert, les coquelicots et les chants d'oiseaux !

Le vélo électrique, c'est formidable. L'assistance de la batterie remplace avantageusement la force musculaire, pour monter une côte. Techniquement, c'est tout simple; on/off et trois degrés d'assistance à régler suivant la pente. J'ai tout compris, grâce à la patience de Laurent. Et je l'ai même semé dans la grande montée de Lubac! Jusqu'au moment où le voyant s’est éteint sans préavis... 

Techniquement, j'ai encore des progrès à faire. Mais moralement, l'avenir me sourit : Quand l'arthrose s'impose, le vélo électrique repose!



dimanche 2 juin 2013

Rendez-vous au jardin

Chaque année, la manifestation du premier week-end de juin permet de découvrir quelques jardins. Hier, à Alboussière dans l'Ardèche, j'ai été éblouie par un parc paysager extraordinaire.
Pourquoi extraordinaire ? Par la situation, d'abord, puis la conception originale, le travail opiniâtre et enfin la beauté du résultat.

Le lieu, le nom : Terre de Pimprenelle. On s'attend à un petit jardin féminin, léger, citadin. Et c'est tout le contraire. D'abord, il faut affronter la rude montagne ardéchoise, sur des kilomètres, avant de trouver l'endroit. Sur un vaste plateau isolé, ondulé, battu par les vents, un ensemble de bâtiments agricoles restaurés avec goût dans la pierre blonde du pays. Entouré de plus d'un hectare de terrain, où végétaux et minéraux sont agencés suivant une volonté, un investissement, hors normes.
Le concepteur du jardin n'a rien d'un doux rêveur, même s'il est animé d'une étrange folie des symboles mathématiques. D'origine lorraine, il a commencé là-bas par créer un petit jardin, vite réputé et visité. Désirant alors faire les choses en grand, il a dessiné le plan du jardin de ses rêves, avec comme règle de base le nombre d'or. Ce rapport d'harmonie sera observé dans les proportions des massifs géométriques, ellipses, spirales. Dans sa déclinaison arithmétique, les suites de nombres de Fibonacci régleront l'espacement des arbres de même nature, leur quantité, la place des éléments décoratifs. Ne restait qu'à trouver le terrain idéal.

Raphaël Benedetti a mis deux ans avant de le trouver à côté d'Alboussière. Il a organisé le déménagement de son jardin lorrain, trois semi-remorques de végétaux et minéraux. Rien par rapport à la suite, puisqu'il intégrera en tout 1200 tonnes de roches grandioses dans son parc. Son jardin a nécessité deux ans de préparatifs, piquetage, drainage, aménagement d'un ruisseau, système d'arrosage intégré, avant la plantation proprement dite d'essences rares. Mais une dizaine d'années après, le résultat est stupéfiant.

Une collection d'une centaine de ginkgo bilobas, de 37 variétés différentes, des érables de tous formats, des méta séquoias rarissimes, s'épanouissent au milieu d'autres végétaux plus classiques, charmes, fusains, hêtres, cornouillers, bouleaux, viornes. La géométrie des volumes est maitrisée par un jeu d'alternance entre  variétés naines, buissons touffus, arbres élancés.  Les harmonies entre les couleurs de feuillages sont superbes. Les massifs de pivoines, hydrangeas, roses, glycines et clématites ponctuent le décor de leurs notes fleuries. C'est un enchantement.
Le travail accompli est titanesque. Théâtre de verdure, carrière tellurique, métaphore minérale de l'histoire de l'homme, la visite avec le jardinier est riche d'enseignements, botaniques et philosophiques, et merveilleuse pour les sens.

Un jardin labellisé Remarquable par le ministère de la Culture, qu'on peut visiter de mai à octobre.