mardi 19 février 2013

"Morgenstreich" au Carnaval de Bâle


La Suisse joue la différence. Ainsi, à  Bâle, le carnaval emblématique débute une semaine après le nôtre, il dure 72h. Mais sa spécificité, c’est  avant tout le Morgenstreich, qui marque le début des festivités, le lundi matin à 4 h. Un rituel nocturne étrange, fantastique, le même depuis des siècles. Ici, pas question de nez rouges ou de costumes hétéroclites, on respecte les traditions. Dont l’achat de l’insigne, la « Plakette », au bénéfice de l’organisation.

Imaginez : le centre ville livré aux milliers de piétons emmitouflés, qui s’agglutinent dans les rues et sur les places, depuis le milieu de la nuit. Et soudain, à 4 h précises, toutes les lumières s’éteignent, vitrines, fenêtres, réverbères, c’est la nuit noire.  Fifres et tambours retentissent, et le défilé des cliques costumées, aux masques effrayants, se déploie à la lueur des lanternes.  Petites lanternes de tête, rappelant le groupe de chaque musicien, intercalées avec de grosses lanternes, hissées sur les épaules de quatre porteurs, œuvres d’art éphémères stigmatisant les événements politiques locaux et internationaux, dans la verve des carnavals d’antan.

Le dialecte bâlois limite la compréhension des pamphlets, truculents ou mordants, mais qu’importe ! La magie nocturne est intacte. Dans tous les quartiers, d’autres groupes de fifres et tambours masqués, à la musique lancinante, entraînent à leur suite une foule de spectateurs. Les différents défilés se croisent, se mêlent, répandant leurs ondes lumineuses et sonores à travers les sombres ruelles gothiques. Depuis le belvédère de la cathédrale, on peut suivre ces serpents  humains qui sillonnent la ville jusqu’au Rhin et ses ponts.

Vers six heures, le froid, la fatigue, la faim, poussent les carnavaliers vers les brasseries, restaurants, cantines en plein air, où le menu traditionnel leur est proposé : soupe à la farine, tarte aux oignons et fromage, vin chaud, bières. Et puis, tout le monde s’accorde un temps de repos avant la reprise des festivités, l’après-midi, la nuit puis les deux jours suivants, jusqu’au jeudi à 4h du matin précises. Ponctualité helvétique.



dimanche 17 février 2013

Chronique littéraire : Le dîner, de Herman Koch


Voilà un menu gastronomique qui risque fort d’être indigeste ! Car Hermann Koch, observant les faux-semblants, gratte où ça fait mal, et pose une question dérangeante : Jusqu’où peut-on couvrir les dérives de ses enfants ? La réponse est terrible.

Un restaurant gastronomique, deux frères et leurs épouses. L’un est un homme politique connu, qui songe surtout à ses électeurs, à son image. L’autre est un ancien prof plutôt sarcastique vis-à-vis de la société. Les femmes, elles, ont toujours soutenu leurs enfants, et continuent, jusqu’à la faiblesse.
Aux hors d’œuvre, la satire sociale se met en place. Souci des apparences. Avec le plat principal  la conversation glisse des potins mondains au drame immonde dont se sont rendus coupables leurs fils. Pas n’importe quoi : le meurtre d’un SDF. Pourtant, ni la culpabilité, ni la compassion ne sont au rendez-vous. Les convives restent sur leurs gardes, mentent, chacun calculant au mieux les chances de son propre fils : comment effacer cet épisode honteux ? Faut-il garder le silence, nier, protéger ? Le dessert sera glacé et glacial.

Terrible leçon sur les dérives d’une société, où les parents ne donnent plus de repères à leurs enfants, parce qu’ils ont eux-mêmes abandonné toute morale.

Herman Koch a obtenu un succès phénoménal avec ce roman. Né à  Arnhem en  1953, c’est un acteur, scénariste et journaliste célèbre aux Pays-Bas. Le Dîner est maintenant disponible en format 10/18 au prix de 7.69€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 14 février 2013.

vendredi 15 février 2013

Assurance-vie : comment récupérer son pactole?

La publicité est alléchante : vous pouvez léguer, à votre décès, un capital hors succession à la personne de votre choix. La réalité est beaucoup plus complexe, nombre d’assurances-vie n’arrivent jamais à leurs destinataires. Pourquoi ?

Voici mon histoire simplifiée :

Maman est décédée, je suis son héritière, je connais tous ses avoirs, puisque j’administre ses comptes depuis son entrée en maison de retraite. J’avertis les organismes bancaires, je reçois des accusés de réception. De tous, sauf de l’assurance-vie.
Un mois passe, je téléphone. A Delle, son agence n’en a aucune trace. A Belfort, son ancienne agence, non plus. A la direction départementale, on m’explique que si je n’ai pas été sollicitée, c’est que je ne suis pas bénéficiaire. J’en suis tellement surprise que je reste muette. Alors qui ? Soupçons sur l’entourage, questionnements malsains. Je veux savoir.

Deuxième tentative, un mois plus tard. Succession d’interlocuteurs incompétents, d’attentes, de jingles. Même réponse, mais cette fois j’insiste : Puis-je connaître le nom du bénéficiaire ? Non. On ne communique pas ce genre de renseignements par téléphone. OK. Pouvez-vous au moins m’envoyer un courrier stipulant que l’assurance-vie a bien été versée ? D’accord. Je n’ai jamais rien reçu.

Trois mois après, rendez-vous officiel chez le notaire :
-         Une succession sans problèmes, tout est en ordre. L’assurance-vie, vous l’avez touchée ?
-         Euh non, on m’a dit qu’elle avait été versée à quelqu’un d’autre.
-         Mais c’est impossible, j’ai le double du contrat, vous êtes bénéficiaire.
-         J’ai téléphoné deux fois, je suis même allée voir le directeur de l’agence, chaque fois, on m’a refoulée en prétendant qu’elle avait été réglée.
-         C’est un peu fort, on va tirer ça au clair.

Le notaire téléphone. Attente, un service, attente, un autre, attente, enfin une réponse précise : Je suis la bénéficiaire, on attendait simplement que je prenne RV à l’agence de mon choix ! Je suis furieuse : Combien d’assurances-vie s’évaporent ainsi ? Entre les bénéficiaires qui ne se signalent pas, et ceux qui sont refoulés… Une chose est sûre : on ne les sollicite pas !
RV dans la foulée. Certificat des impôts, RIB, pièce d’identité, j’ai tout prévu. Je remplis la demande de versement.
-         J’aurai les fonds quand ?
-         Oh, il faut compter trente jours minimum, mais nous sommes en novembre, avec les fêtes, plutôt quarante.
-         OK. Laissez-moi votre carte de visite, on ne sait jamais.

Nous sommes en février. Je n’ai toujours rien reçu. Je fais le numéro de Madame X,  on m’annonce qu’elle ne fait plus partie de la maison. Je recommence mon histoire à zéro, avec une autre. Plus de traces de dossier, vous avez certainement eu le virement. Mais non, je n’ai rien reçu ! Alors, reprenez rendez-vous, on fera un nouveau dossier.

Ma mère avait opté pour Initiatives et Transmission. Je n’ai reçu que Incompétence et Mauvaise Foi.  Et toujours pas mon pactole !


dimanche 10 février 2013

L'Homme qui rit : Un hommage hugolien


J’avais lu le roman flamboyant de Victor Hugo au lycée. Une lecture difficile, effrayante et passionnante à la fois, je n’en avais pas compris toute la portée. J’avais donc très envie de voir le film éponyme, de Jean-Pierre Améris, quarante ans plus tard, malgré des critiques mitigées.
Eh bien, j’ai été enchantée ! Décors soignés, musique intemporelle, costumes éblouissants, la mise en scène, sans se perdre dans les méandres du livre, arrive à faire passer magnifiquement l’œuvre, le souffle du Maître. C’est somptueux, baroque à souhait, entre pamphlet social et politique, esthétique style Tim Burton à la Cour de la Reine, ou film fantastique, du côté des gueux, à la cour des miracles.

Les acteurs sont justes, chacun a une vraie présence: Depardieu habite Ursus avec humanité, il gronde, harangue, amadoue, alterne brutalité et douceur. Marie Théret, incarne Déa, jeune aveugle touchante, avec sa voix pleine de sensualité. Emmanuelle Seigner est une duchesse garce à ravir. Celui qui m’a le plus surprise, c’est Marc-André Grondin, le héros. Dans mon imagination, l’Homme qui rit était monstrueux, défiguré. Dans le film, la longue balafre qui mutile sa bouche en éternel rictus n’enlève pas grand-chose à son physique de jeune premier, lui ajoute plutôt un certain mystère romantique.

La critique des turpitudes de la Cour, la description de la misère, les vols d’enfants, l’éloge de la bonté, mélangés à une intrigue romanesque poignante et poétique n’ont pas eu  le succès qu’attendait Victor Hugo, lors de la parution de « l’Homme qui rit » en 1869. On lui reprochait le mélange des genres.
La critique cinématographique a repris les mêmes arguments contre le film, ce qui est une belle façon de rendre hommage au metteur en scène, fidèle au Maître !
Moi, j’ai beaucoup apprécié la mise en images, grandiose et surréaliste à la fois, de ce roman philosophique puissant et lyrique.
Victor Hugo avait choisi d’appeler Ursus (ours) le saltimbanque et Homo (homme) son loup apprivoisé. Tout est dit, en deux mots. C’est ça, le génie !

lundi 4 février 2013

Chronique littéraire : Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan


La sombre histoire d’une famille, joyeuse, puis déchirée, que Delphine de Vigan essaie de comprendre, après le décès de sa mère. Elle enquête, mais les échos contradictoires n’apportent aucune réponse à la question fondamentale : Pourquoi Lucile, sa mère, belle, fantasque, et névrosée, lui a-t-elle tant manqué ?

Le puzzle se met en place à travers trois épisodes chaotiques, apportant chacun leur lot de douleurs et de joies. Lucile est née dans une famille bourgeoise nombreuse. Amour et gaieté règnent, grâce à la chaleur de Liane, la mère. Mais les tragédies se suivent, le bonheur s’effrite, et le père, Georges, règne par la terreur.
Puis les années passent. Lucile, mariée avec Gabriel, a divorcé très vite, est passée dans d’autres bras, jusqu’à ce que la maladie mentale la rattrape. Mère de Delphine et Manon, elle sombre dans la démence et la drogue. Internements, crises, les fillettes subissent les changements d’humeur, de foyer, la précarité, la peur.
Enfin, à 50 ans passés, Lucile connait une rémission, elle peut enfin vivre normalement,  suivre une formation, s’investir dans un travail, et profiter de ses petits-enfants. Mais le cancer la rattrape.
Récit tortueux, dramatique, dans un style écorché vif. Delphine de Vigan multiplie les scrupules, les interrogations, tente de comprendre, sans affirmer, sans juger. Lucile a-t-elle été violée à 16 ans ? La maladie bipolaire explique-t-elle ces relations chaotiques avec ses filles ? Personne ne peut plus répondre. Il lui faut accepter les non-dits, le silence, la souffrance passée, constitutives d’elle-même et de son écriture.

Delphine de Vigan  née en 1966, est l’auteur de plusieurs romans à succès, dont No et Moi, Les Heures souterraines
Rien ne s’oppose à la nuit, Prix France-Télévisions 2012, est sorti en livre de poche au prix de 7.60€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 31 janvier 2013.

samedi 2 février 2013

La Marmite à Mots

C’est une librairie consacrée à la jeunesse, un lieu d’activités et d’accueil aussi. Ouverte depuis presque un an, dans la vieille ville de Belfort, on y rencontre des auteurs, des artistes et plein de livres.  Collectionneuse de librairies et bibliothèques, j’étais impatiente de la découvrir. Hier, j’y suis allée. Un vrai coup de cœur.

Le lieu est sympathique, niché au milieu des façades de grès rose, place de la Petite Fontaine. La porte franchie, une déco tonique, une montagne de livres, et le grand sourire de la libraire vous accueillent. Je commence par faire un tour tranquillement, pour m’imprégner de  l’ambiance. La littérature jeunesse est gaie, créative, en perpétuel renouvellement. Et quels beaux objets ! J’aime les feuilleter, observer les sujets abordés, la façon de les traiter, la qualité des illustrations… Dans mon enfance, on ne connaissait que la bibliothèque Rose ou Verte, et quelques albums de contes d’Andersen : une misère, comparée à la diversité actuelle.

Et puis, je me suis décidée à demander conseil. Un vrai challenge, puisque je cherchais un livre à offrir à un petit garçon de 5/6 ans, que je ne connais pas, et qui vit aux Etats-Unis. Impossible ? Pas du tout. La dynamique libraire, très professionnelle, a réussi à me proposer plusieurs albums qui convenaient parfaitement à mes exigences. Chapeau bas, Madame.

J’ai longuement hésité entre le voyage poétique de l’ours à travers le monde, qui envoie des lettres à son amie l’oiseau.  Et l’épopée pleine d’humour du « Pépé de mon Pépé ». Entre géographie et histoire, mon cœur balance. J’ai opté pour la généalogie, c’est mon truc, en ce moment.

Et devinez quoi ? Je n’ai pas pu me retenir, j’ai commandé … « La Mémé de ma Mémé », of course !