lundi 28 janvier 2013

Soulages, Bourdieu et le soleil


Le menu de mon week-end en vallée du Rhône : Stimulation des neurones, activation des papilles, oxygénation à la lumière naturelle…

Soulages : J’avais déjà vu quelques toiles dans différents musées, entendu parler de sa conception du noir, j’ai profité des derniers jours de l’expo au Musée des Beaux-arts de Lyon pour en savoir plus. Etranges tableaux d’un noir jamais totalement noir, où l’épaisseur de matière, la variété des supports, les striures, les produits utilisés pour peindre, et la position  par rapport aux spots multiplient les nuances, renvoient diversement la couleur. En pénétrant dans chaque salle, on croit voir du gris, du bleu, du doré, en s’approchant, tout est variations de noir. C’est l’outre-noir.
Difficile d’accès, la peinture abstraite. Agaçants, les visiteurs concentrés sur leur audio guide, absents au monde. Dès la troisième salle, lassée du noir, j’avais besoin de couleurs chaudes, de concret : le département des Antiquités égyptiennes m’a enchantée.

Bourdieu. Il s’affirmait en intellectuel de premier plan, alors que moi, études finies, je m’enfonçais dans le quotidien, maison, travail, enfants. Pas le temps d’étudier ses théories. Et maintenant, on ne parle plus de lui. Pourquoi ? Le documentaire « La sociologie est un sport de combat », de Pierre Carles, m’a apporté quelques pistes. On y voit Bourdieu, personnage charismatique, sautant de conférences en séminaires, d’interview en rendez-vous avec ses élèves, ses éditeurs, au Collège de France. Ses déclarations sont parfois sommaires, floues, répétitives, mais je comprends qu’il a révolutionné la sociologie en proposant de nouveaux critères d’études. Il s’est attaqué à tous les sujets, sexuel, social, racial, politique, privilégiant les facteurs symboliques et culturels à la stricte analyse économique.  A tel point qu’aujourd’hui, la pertinence de ses méthodes est une évidence.


Mes travaux pratiques du lendemain : enquête sur les différents marchés de Drôme-Ardèche !

Le soleil. Avec un mois de janvier franc-comtois sans lumière, dans le froid et la grisaille, entre verglas et neige, j’étais en manque. Quelques heures d’héliothérapie sur une terrasse au bord du Rhône, et me voilà prête à admettre que l’hiver n’est pas fini. 

lundi 21 janvier 2013

Chronique littéraire : Les chaussures italiennes, de Henning Mankell


Pas question de chaussures, ni d’Italie, dans ce récit, sauf symboliquement. Mais plutôt du sens de la vie, des rendez-vous manqués, de la difficulté à exprimer ses émotions, à assumer son passé.  De la solitude, de la peur. De la façon dont hommes et femmes les combattent. De l'amour et de la rédemption, aussi.

Fredrick, la soixantaine, ex-chirurgien, vit reclus sur un îlot gelé de la Baltique, sans autre visite que celle du facteur, en hydroptère, les jours de courrier. Son seul loisir, c’est de creuser un trou dans la glace chaque matin pour s’y baigner. Pour se sentir vivant, surtout. Il a tout quitté, à la suite d’une grave erreur professionnelle.
Un jour, titubant sur la glace, débarque Harriett, son ancien amour, devenue une vieille dame malade. Elle aussi, il l’a lâchement abandonnée. Très déterminée, elle l’entraîne dans un éprouvant voyage vers le Nord, et vers les souvenirs.
La nature suédoise omniprésente, à la fois magnifique et terrible, marque inexorablement la vie des habitants : glace, forêt, mer, ciel à l’infini. Les pérégrinations géographiques, les errances psychologiques des humains, leurs erreurs, semblent minuscules à côté d’elle. Il faut savoir résister, attendre le solstice, pour que la carapace de glace se craquelle, et qu’arrive enfin le dégel des âmes et des corps.
Un roman sobre, intime, vibrant, passionnant d’un bout à l’autre.

Henning Mankell est un écrivain suédois né en  1948 à Stockholm. Connu internationalement grâce à la série policière des enquêtes de Kurt Wallander, où l'aspect psychologique est aussi important que l'intrigue, souvent sanglante, il partage sa vie entre la Suède et le Mozambique, où il a monté une troupe de théâtre.
Les chaussures italiennes sont éditées en Points Poche, au prix de 7.60€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 17 janvier 2013.

jeudi 17 janvier 2013

Aquagym


Se lever tôt, prendre la voiture (ma Citron est sans pépins, maintenant, ouf !), affronter la nuit, le froid, traverser la frontière (rien à déclarer…), rouler quelques kilomètres, tout ça pour quoi ? Des travaux forcés ? Non, le contraire, un bain de douceur, à la piscine des Hémionées.
A huit heures, le jour n’est pas encore levé, l’eau bleutée immobile s’offre à la lueur du paysage hivernal au-delà des baies vitrées. Pas de lumière agressive, personne, c’est un moment magique, le temps semble retenu, je m’immerge sans bruit.


Puis la vie se répand, avec l’arrivée des animateurs, Nelly ou Jean-Michel, portant radio, matériel, et celle des autres participants au cours d’aquagym. C’est parti pour des exercices variés, étirements, sauts, courses, abdos, équilibres, inspirez, soufflez. La musique scande les différents entraînements, les accessoires colorent la piscine, disques, frites, planches, extenseurs, tout le nécessaire pour faire travailler les muscles.

Malgré les activités organisées, la piscine reste ouverte au public. Grand bassin, petit bassin, jacuzzi, certaines lignes d'eau sont réservées, mais tout le monde cohabite.  Arrivent des gamins, une classe et la maîtresse, le niveau sonore monte, puis de jeunes mamans avec leurs bébés nageurs, gazouillis et petits corps potelés. En Suisse, la piscine est un lieu ouvert, convivial et intergénérationnel. Ce fonctionnement multiple se retrouve côté employés, tour à tour surveillants, jardiniers, à l'entretien, au bureau ou servant le café. Le système suisse est épatant, tout baigne... Et à la cafétéria, on peut consommer une boisson à l'hibiscus, spécialement créée pour le 20ème anniversaire !

lundi 7 janvier 2013

Chronique littéraire : Que font les rennes après Noël ?, de Olivia Rosenthal


Une question de circonstance. C’est celle que pose la narratrice, une fillette en mal d’animal à cajoler. Dans ce drôle de livre, le récit de son évolution incertaine se mêle à un document précis sur des métiers liés aux animaux : dresseur de loups, gardien de zoo, expérimentateur en laboratoire, et boucher… La réponse ? Comme pour toute question fondamentale, il faut la trouver soi-même.

L’originalité de ce roman vient d’abord de la structure à deux voix, les paragraphes concernant chacun des deux thèmes se succèdent sans cesse, en une page ou en quelques lignes. Quand on a compris que l’emploi du « vous » est réservé à la fille, et du « je » au discours professionnel, on s’y retrouve plus aisément. Le vocabulaire aussi se partage entre poésie, questionnement, pour la partie humaine, et précision technique, clinique, pour la partie animale. Le découpage en quatre parties suit les étapes clés d’une vie humaine, enfance, adolescence, entrée dans le monde adulte, et maturité.

Ce livre apporte une foule de détails sur la vie et la mort des animaux, et sur les métiers difficiles de ceux qui les entourent. On apprend, on s’étonne et on rit souvent, même dans les moments les plus noirs : expériences in vivo, abattage, abordés avec beaucoup d’humour et de recul. En contrepoint, l’histoire de la fillette prend corps.
Peu à peu le parallèle s’impose. Aux dressages, soins, expériences, et lutte pour la survie,  chez les animaux, correspondent éducation, contraintes, évolution, tentatives d’émancipation de la jeune fille. Trop couvée par sa mère, ado mal à l’aise, différente, elle affronte difficilement la vie, et aura besoin de longues années avant d’arriver à se connaître, et à assumer sa sexualité.

Olivia Rosenthal, née à Paris en 1965, est l’auteur de plusieurs romans et  mises en scène théâtrales ou artistiques (Avignon, Lyon, Nantes). Elle a obtenu le Prix du Livre Inter 2011 avec ce récit, actuellement disponible en poche au prix de 6.20€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 3 janvier 2013.

mercredi 2 janvier 2013

Rugissements

Léonins d’abord, un superbe spectacle visuel et musical, proposé par la ville de Belfort, à l’occasion du passage à l’année 2013. A minuit, la muraille du Lion s’est embrasée, le château s’est effondré, et le fauve est parti faire un petit tour… virtuel. Quel émoi pour le public belfortain ! Jungle, cirque, palais orientaux, il nous a promenés dans des décors animés somptueux, soulignés par des salves de feux d’artifices. Damien Fontaine, architecte de lumière, a réussi à bluffer les spectateurs. Le Lion, notre Lion est vivant ! Quel beau présage pour l’avenir !


Rugissements de colère, un peu plus tôt dans la soirée, lorsque, après les vœux du Président, vers 20h30, la télévision étant restée malencontreusement allumée, je vois apparaître Alain Delon et Patrick Sébastien, sur leur 31, tenant chacun par la main deux jeunes femmes nues jusqu’à la ceinture. Tous les poncifs de la télé : le sexisme, l’irrespect, les animateurs momifiés, la débilité des émissions. Notre société mérite-t-elle cela ?
A cette heure d’écoute familiale, sur une chaîne publique, un vieux barbon en smoking, se pavanant avec deux nanas à poil, est-il un symbole de fête ou de décadence ?