mercredi 25 avril 2012

Les puces de la maison de retraite


Maman est entrée en maison de retraite il y a six mois, après une aggravation radicale de son état de santé.  Hospitalisations successives en gastroentérologie, chirurgie orthopédique, gériatrie, et finalement cardiologie. A l’heure actuelle, elle est impotente, et a perdu tous ses repères. Je vais deux ou trois fois par semaine lui tenir compagnie.

Première réunion des familles à la maison de retraite. Envie de m’exprimer, je prépare mes questions. Mais … le directeur de l’EHPAD départemental a une autre stratégie. Ce monsieur bedonnant, dans son costume fripé, tient le crachoir pendant deux heures sans s’interrompre. Pour présenter les travaux de rénovation, pour lesquels le projet n’est pas abouti, le budget pas voté, et sur quoi nous n’avons rien à dire. C’est ça, la réunion des familles ?

Enfin une dame l’interrompt, au sujet du linge des pensionnaires, qui se perd régulièrement. Longue diatribe, c’est la blanchisserie générale qui s’en charge, il y a des mélanges… on récupère ensuite, mais ça prend du temps.
La dame insiste : Non, les habits sont tous marqués, et on ne les récupère pas. Les petites choses, ça passe, mais les grosses, même une couette brodée, disparaissent. Il parait que le personnel ne trouve plus ses blouses, les femmes de ménage sont sans chiffons, les disparitions sont énormes et inexplicables…
Y a-t-il un marché parallèle ? Pourrait-on envisager un autre système ?

Le directeur, après avoir longuement trituré sa poche, en extrait fièrement un objet minuscule.
Voilà la solution au problème ! La puce textile électronique lavable, comme un code barre, cousue sur chaque vêtement entrant à la blanchisserie. Le tri se fera ensuite par lecture optique, et le vêtement propre ira dans le conteneur de la maison de retraite correspondante… Nous allons équiper toutes les maisons. Le directeur rayonne : c’est pas magnifique le progrès ?

Des puces sur tous les vêtements de tous les établissements, mais ça fait combien en tout ? Et combien sur chaque pensionnaire ? L’invasion électronique est en marche. Et pour quelle efficacité ?


vendredi 20 avril 2012

Ma chronique littéraire: Le jour avant le bonheur, de Erri de Luca


Parue dans le JTT du jeudi 19 avril.

Une dose de nostalgie et de tendresse avec : Le jour avant le bonheur, de Erri de Luca. (Folio)
Traduit de l’italien par Danièle Valin.

Erri de Luca est un auteur italien, né à Naples en 1950. Engagé d’abord dans l’action politique ouvrière, il se consacre à la littérature depuis 1989. Prix Femina étranger en 2002 pour Montedidio. Actuellement proche du mouvement altermondialiste, c’est un écrivain reconnu, passionné de lecture, de vin et d’alpinisme.

Le jour avant le bonheur est un petit conte philosophique positif. Une pilule contre la grisaille. Ecrit dans un style simple et poétique, mâtiné d’expressions chantantes en dialecte napolitain. C’est l’histoire d’un jeune orphelin de Naples, dans les années soixante, pris en sympathie par Don Gaetano, gardien d’immeuble philosophe. Qui lui apprend la vie, l’histoire de sa ville, la sienne aussi. Et le respect. Don Gaetano est un protecteur vigilant, mais il possède en plus un don extraordinaire : celui de lire dans les pensées. Grâce à lui, le narrateur va grandir, s’affirmer, trouver sa voie.

La  vie humble de ce quartier de Naples est évoquée à travers des personnages hauts en couleurs, certains sont bons, chaleureux, d’autres sans pitié, ou simplement troubles. Le Vésuve, la guerre de 1940, la Mafia, fléaux et séparations se renouvellent, impitoyables. Mais Naples toujours grouille de vie, d’espoir. L’amour se montre, puis se cache. Pour l’adolescent troublé, la lecture, l’étude servent de refuge providentiel. Et permettent d’attendre patiemment le bonheur. Une belle initiation à la vie, l’amour, la mort.

« Le jour avant le bonheur n’était pas encore arrivé pour moi. Je voulais le connaître. Je ne voulais pas qu’il arrive à l’improviste sans que je m’en aperçoive… »

mercredi 18 avril 2012

Le poulailler du Molkenrain

Le Molkenrain, pour moi, c’est un délicieux souvenir.  Une halte gourmande dans cette ferme auberge, pendant la Traversée des Vosges de juillet 2003. Un matin d’été lumineux, petit-déjeuner dehors, les tables et bancs installés devant le superbe panorama de la plaine d’Alsace. Les animaux de la ferme en liberté autour de nous, le coq poursuivant ses poules, les vaches paisibles dans la prairie fleurie en contrebas, et surtout, une dizaine de petits cochons espiègles, roses, gris ou tachetés, suivant les lois de la génétique. Car ici, les truies en liberté batifolent en compagnie des sangliers.
Et soudain, sortant de l'écurie, le propriétaire, tenant précieusement dans sa main une boule blanche dégoulinante de petit-lait. Il s’en débarrasse sur la table : c’est la motte de beurre qu’il vient de fabriquer ! Pas question de restrictions caloriques devant un beurre aussi odorant, nous avons alors mangé les plus belles tartines de notre vie…

En ce matin d’avril 2012, la rando au Molkenrain ravive mes souvenirs.  D’abord le ciel bleu et le soleil, compagnons d’autant plus appréciés qu’ils succèdent à des jours de pluie. Ensuite le soulagement quand on atteint  l’auberge, la montée depuis Steinbach est rude, presque 800m de dénivelé, et l’arrêt près du camp de Turenne n’a pas suffi à nous reposer. La vue dominante est toujours aussi belle, mais en version fraîche : les sommets du Grand et du Petit Ballons sont blancs, nous avons rencontré la neige à partir de 1000m. Pas d’animaux domestiques en vue, ils sont encore à l’abri, même les clapiers sont vides, seul un grand chien est affalé devant l’entrée. La terrasse attend des jours meilleurs, il fait environ 4°.

A l’intérieur, tout en boiseries, c’est la chaude ambiance. L’abandon après l’effort. La chaleur, le repos, et les spécialités maison : Tourte à la viande, pot-au-feu, repas marcaire, pommes de terre rôties et salades variées, munster et barkass, fromage blanc au schnaps et tartes aux myrtilles… Tout est abondant et délicieux. Et le niveau sonore monte, monte. A la table de Raymond, entouré d’un parterre de dames, on glousse, on rit, on caquette, on gesticule, on jacasse. A la nôtre, on ricane, on cancane, on s’esclaffe, on compte le nombre de bouteilles de Pinot, sans oublier l’apéro au Muscat corse, on évalue l’ébriété des voisins. Quand Raymond sort l’armagnac (à l’orange pour les dames…) c’est le délire, on se croirait dans un poulailler en furie. Les gendarmes, assis à la table voisine préfèrent s’en aller !


Retour dans la verte vallée, le soleil de la journée a-t-il précipité l’éveil de la nature ? Est-ce le changement d’altitude ? Après la rudesse des sommets, c’est l’explosion de vert tendre, les premières feuilles se déploient, faisant oublier les sombres conifères, les fougères et les mousses colonisent les blocs de grès rose. Les violettes, campanules, Monnaie du pape, rivalisent de bleus. Quelques anémones et primevères jouent la différence. Les oiseaux chantent. Le soleil nous réchauffe. Nous sommes étourdis de sensations printanières.

Soudain Eric compte ses ouailles. Mais il en manque !? Non, Eric, pas une deuxième fois... Voici les retardataires, fatiguées mais toujours volubiles, prêtes à s’enthousiasmer devant les dernières surprises, les sables rouges, le sentier des mines.
Concert de remerciements, à l’arrivée. Eric peut partir content, en saluant sa basse-cour, plus caquetante que jamais.




lundi 16 avril 2012

Coup de gueule : La dictature des humoristes.


Je viens de lire un article du Monde sur le sujet, qui m’a fait un bien fou. Un philosophe, François L’Yvonnet, vient de publier un essai chez Fayard : L’intégrisme de la rigolade. J’ai réalisé combien, moi aussi, j’en avais marre de la dérision. Des bons mots qui remplacent les mots porteurs de sens. Si on entend le message d’un homme politique une fois, on entend mille fois son discours détourné. L’important est passé au second plan. Il faut d’abord rire. Cette inversion systématique des valeurs me hérisse.

On a l’obligation de se marrer le matin à la radio, le soir à la TV. Les humoristes ont-ils  remplacé  les prières rituelles ? Est-ce le signe d’une société malade ? Est-ce que se moquer fait du bien au moral ? Non, Car si l’humour, le rire, est revigorant, l’ironie est plutôt malsaine, elle qui se fait aux dépens des autres.

C’est difficile de lutter contre les humoristes. Individuellement, ils ont la phrase assassine, le raccourci fulgurant, la parole qui fait mouche. Ils me font peur, à moi qui manque de répartie. Ils me font peur aussi parce qu’ils représentent ensemble un pouvoir terrible : plus d’émission sans eux, qui permettent de faire monter l’audience, qui rapportent, qui engrangent les bénéfices d’un système sur lequel ils crachent. Ils ne jouent plus leur rôle de critiques, ils n’ont plus rien de subversif, et contribuent à la désinformation. Moi, je n’arrive même plus à les identifier, tant leurs recettes sont les mêmes. Ils trichent.

Je ne pense pas être capable de lire entièrement l’essai qui leur est consacré, je ne suis pas philosophe. Mais j’aime les mots, et j’apprécie que l’auteur leur redonne tout leur sens. « L’impertinence règne, au lieu de la pertinence. L’irrévérence au lieu de la révérence. Mais le contraire de la soumission, ce n’est pas l’irrespect ! »

vendredi 13 avril 2012

Mes lectures sur RCF

J’ai longtemps eu envie de faire de la radio. La retraite me l’a permis: je suis bénévole à RCF. Et depuis presque un an, je contribue, parmi d’autres lecteurs, à l’émission culturelle : « De page en page », sous la responsabilité de Valérie-Anne.
Ce qui me plait dans ce travail ? La totale liberté de choix des œuvres que je présente. Il y a juste un bémol : il faut que les auteurs soient dans le domaine public, donc décédés depuis plus de 70 ans.
Au départ, cette contrainte m’a gênée, car je lis plutôt des œuvres contemporaines. Et puis, de fil en aiguille, je me suis amusée à dénicher des textes encore actuels, et un peu méconnus.
Alphonse Daudet, Louis Pergaud, Alain-Fournier, R.L. Stevenson, Jack London, Maxime Gorki, entre 19ème et 20ème siècles, sont riches de ressources. Aujourd’hui, je remonte le temps, très très loin, jusqu’au Moyen-âge, avec le Roman de Renart, qu’on croitrait écrit en référence à nos hommes politiques !

Il m’est arrivé de lire des œuvres récentes, il faut alors que l’auteur soit d’accord pour ne pas demander de droits. A l’occasion des Petites Fugues, j’ai ainsi présenté Amélie Plume. A la suite d’une conférence sur l’immigration italienne, les « Bâtisseurs ». C’est ce qui est motivant, avoir le choix. Et ensuite se débrouiller pour livrer un produit fini. Etre responsable de son émission.

Car il y a une belle préparation, avant d’enregistrer en studio ! Une fois l’auteur déterminé, d’abord choisir les textes dans l’œuvre, pour présenter environ 25 minutes de lecture, en tranches ne dépassant pas 10 min. Composer quelque chose de cohérent avec les extraits. Répéter sa lecture plusieurs fois à voix haute pour maîtriser le texte. Tester au chronomètre, ajuster. Préparer une fiche sommaire pour présenter l’auteur, son œuvre, et le morceau choisi. Agrémenter ensuite les pauses avec une musique en rapport. Moi, je vais fouiller dans le rayon CD de la médiathèque : musique du Moyen-âge, chants traditionnels italiens, chœurs russes,  Georges Brassens, Félix Leclerc, Michel Berger, Marc Perrone ou  Brigitte Rose… Là aussi, ça me fait plaisir de chercher, et de découvrir !

Un gros travail de préparation chez moi, j’aime bien. Un enregistrement rapide au studio, une fois par mois, ça va. Mon vrai problème, c’était après : impossible de capter l’émission en direct, le mercredi, de 11h30 à 12h ! Il fallait que je prenne ma voiture, pour aller sur la colline, où la fréquence était accessible !

Maintenant c’est réglé, avec le podcast. Si vous voulez écouter toutes sortes d’histoires, connectez-vous:



jeudi 12 avril 2012

La fête des fleurs


Week-end pascal en vallée du Rhône, suite.


L’estomac plein, le frigo aussi, d’autres plaisirs m’interpellent. Plaisir des yeux : La végétation printanière, en avance d’un mois sur notre Territoire : cerisiers et poiriers blancs, lilas et glycines mauves, tamaris et arbres de Judée lumineux. La floraison des pêchers est terminée, dommage, c’est le moment que je préfère, la région est alors d’une beauté immatérielle, avec ses vergers roses mousseux, comme des nuages en lévitation.

Pour JP, la première activité, c’est le bilan végétal de nos deux terrasses. Le gel de février et la sécheresse de mars ont causé plus de dégâts que d’habitude : Un laurier vieux de quinze ans, et le grand cèdre sont morts. La vigne et le pistachier reprendront-ils ? L’olivier semble en forme. Le houx et le buis s’en tirent bien. Le petit tamaris est fleuri. JP va s’occuper d’eux, arroser, tailler, déterrer, rempoter.
Le plus pratique, c’est de commencer par aller à la coopérative agricole de Tain. A côté du matériel professionnel, on y trouve quantité de boutures, plants, semis, de saison. JP revient avec un nouveau cèdre, une bougainvillée mauve et un palmier. Monte les sacs de terre apportés chez nous (la bonne terre, dans le Territoire, on n’en manque pas) et entreprend de réaménager les jardinières, retirer les végétaux secs, aérer les vivants, adapter le contenant au contenu. Tandis que j’épluche mes kilos d’asperges.
Quand il a terminé, le coup d’œil sur les terrasses est agréable.

Dans la région, quelques jardins remarquables se visitent.  Le jardin zen d’Erik Borja est à notre programme. Paysagiste de réputation internationale, Borja a réalisé des jardins d’inspiration japonaise partout dans le monde, dont la célèbre Bambouseraie d’Anduze. Il se trouve que son « laboratoire » est situé juste à côté de Tain, en Drôme des Collines, au bord de l’Herbasse. Un superbe jardin de trois hectares, cerné de vignes et vergers fleuris.

Erik Borja maitrise à la perfection le mariage de l’eau, du minéral et du végétal. Pas de plates-bandes fleuries, mais des volumes sculptés, des étagements verticaux, grands arbres, buissons, et mousses, bordures, vivaces à leur pied. Des tableaux végétaux en relief, traversés de chemins sinueux, dallés de pierres anciennes. Cascades et étangs, où coassent les grenouilles. Jardin de méditation, avec ses roches étranges, son gravier ratissé, jardin de thé, avec maisonnette et érables. Jardin de bambous et portique flamboyant. Jardin de promenade entre chênes et conifères. Dégradé de verts, l’ensemble est conçu pour être beau en toutes saisons.
Ce qui fait l’originalité et la beauté de ce domaine, c’est la maitrise de la perspective, et de l’agencement des couleurs, des textures et des formes. Quelques arbres délicatement fleuris, camélias, magnolias dominent loniceras taillés en nuages, viornes rares, bambous dénudés jusqu’à mi tronc. A leurs pieds s’épanouissent iris japonais, coussins de bruyère et graminées variées. Une grande leçon de jardinage.

JP en tire quelques conclusions. Et au matin de Pâques, dès 9h, nous arpentons la fête des fleurs de la Roche de Glun, dans le cadre idyllique du golfe des Musards. Tous les pépiniéristes de la région s’y sont donné rendez-vous, et la profusion de plantes, de fleurs, d’arbres est un régal pour les yeux. Collection de cactus, de bulbes, rosiers anciens, plantes méditerranéennes, vivaces, rustiques, aromatiques, on ne sait plus où donner de la tête.
Je choisis un basilic pourpre, JP une menthe bergamote, puis nous craquons pour des dipladenias jaunes et rouges, un rosier liane couvert de boutons, des œillets bicolores, des genêts roses et blancs, les iris japonais de Borja…
Tout ça, c’est pour fleurir notre jardin de Delle ! Pour emporter avec nous un peu de Vallée du Rhône. Le coffre de la voiture ressemble à une serre.

mercredi 11 avril 2012

Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?


Il ne s’agit pas des militaires en treillis, aperçus  au pied du Ballon d’Alsace. Eux, ils ont droit à 7% de pertes. Non, il s’agit de nous, Gym Plus, devenus, en une seule rando, Gym Moins : 70% de disparus, qui dit mieux ?
Tout avait pourtant commencé normalement : attente sur le parking des Démineurs, venté, glacé. Arrivée d’Eric, dans un crissement de pneus, démarrage de la rando au trot. Direction le Ballon de Servance. Un  beau circuit, encore jamais fait. Heu, d’un Ballon à l’autre, en gros, ça veut dire, descendre, monter puis redescendre, et remonter. Aïe mes genoux !

Première descente abrupte, dans les cailloux et les plaques de neige, un échauffement pénible. On ne peut même pas bavarder, il faut être prudent. Bien regarder où on pose le pied. La longue montée, c’est plus facile, mais la pluie se déchaîne. Malgré les capes, nous sommes trempés. Pas d’arrêt, on marche, on marche. Enfin, au bout de deux heures, le refuge du Luthier. Pause goûter bien appréciée, au sec. Petits gâteaux, meringues et blagues. On commente le journal de bord du refuge, défoulement des randonneurs. On évoque les projets pour l’été : Jura ou Alpes de Haute Provence ?

Le temps a changé, il ne pleut plus, on repart tout guillerets. Eric signale les débris d’un avion qui a percuté la montagne, s’attarde sur l’accident. Il veut nous enlever l’envie de voler avec lui ou quoi ? Dire que sur mon blog, je lui fais une pub enthousiaste… Le rythme de la descente est rapide, le retour sera long. Eric nous fera couper à travers bois s’il le juge nécessaire. On lui fait confiance, pour les raccourcis.

On ne croyait pas si bien dire ! Le groupe se disperse peu à peu le long de la pente. A la montée, nous bifurquons brusquement, quittons le chemin principal, pour entrer dans la forêt. Une pause plus loin, pour se regrouper. Les conversations s’animent, développement durable, crise économique mondiale, c’est passionnant. Un vaste sujet. Tellement vaste, qu’au bout d’une dizaine de minutes, on s’interroge : est-il bien normal qu’on ne soit toujours que six ?

Eric réagit immédiatement en pro, le reste du groupe a dû prendre l’autre chemin. Il repart en arrière, appelant, sifflant, personne ne répond. Il revient en courant, demande à Fabienne de retourner sur leurs traces. Rendez-vous au col du Stalon ! Il nous recompte, oui, on n’est plus que 6 sur 15. Et nous entraîne dare-dare. On  peine à le suivre. La montée est rude, des arbres gênent le passage, il faut escalader, le souffle nous manque, mais rien ne l’arrête, il grimpe à toute allure, en testant le réseau. Pour essayer de joindre les autres par téléphone. Rien.

J’enrage. Zut alors, moi qui apprécie une dose d’adrénaline, je passe à côté de la grande aventure, je suis bêtement là ! Je rate mon scoop. Les égarés doivent développer toutes les réactions caractéristiques de l’état de crise : Stupeur, questionnement, critiques, angoisse, confusion… Jusqu’à l’émergence d’un leader, celui qui connait les lieux. Et puis l’instinct grégaire qui l’emporte, la hâte en silence, la peur au ventre… J'imagine le scénario catastrophe… Et je rate ça !
La bruine se lève, le paysage devient flou. Et s’ils se perdaient vraiment ? On alerterait les secours. Le grand jeu, enfin la une des journaux… J’ai tout raté !
En plus, dans l’affaire, j’ai perdu mon chauffeur. Faudra poireauter à l’arrivée sur le parking glacial.

Que nenni ! Au col du Stalon, les disparus sont tous là, ils nous attendent, en compagnie de Fabienne. Pas du tout stressés, et plus rapides que nous, mais comment ont-ils fait ?
C’est simple, ils ont repris le chemin de l’aller. Ils connaissent bien le massif. Eric compte, cette fois, il en a bien 15.  
On a retrouvé la 7° compagnie. 

mardi 10 avril 2012

Manger

Week-end pascal et familial en vallée du Rhône. Visites et retrouvailles au menu. Mais avant... Mais avant toute chose, dès l'arrivée dans la vallée de ma jeunesse, une grande fringale me saisit. Manger, je veux manger. Manger les bons produits locaux, dont l’évocation seule me réjouit au fond de mon Territoire si peu fertile. Manger, donc cuisiner, donc me ravitailler.

Ça commence par le marché de gros, à Pont de l’Isère. Les producteurs de Drôme et Ardèche ont rendez-vous sur un immense parking avec les marchands de primeurs et restaurateurs de toute la France, dans une noria de camions et camionnettes. Et, quand le temps des échanges professionnels est terminé, à 18h, le marché s’ouvre aux particuliers. Au cul du camion, on peut acheter des cagettes de fruits ou légumes frais, au prix du kilo. En été, pêches, abricots, tomates, melons… à foison, mais nous sommes en avril, c’est plus vert : asperges, épinards, bettes, poireaux, salades… cueillis du matin.

Ce qui ne m’empêche pas d’aller le lendemain compléter mes emplettes au marché local, il me manque radis et œufs frais, olives et fromages de chèvre crémeux, et… les premières gariguettes.

Ensuite, passage obligé chez le boucher-traiteur de Tournon. Il nous faut des protéines ! Caillettes, ravioles, quenelles, saucissons. Pas de gratin dauphinois ou beignets d’aubergines, aujourd’hui, mais du chevreau rôti, le grand classique de Pâques.

La gourmandise sucrée triomphe à Tain, avec les Pognes à la fleur d'oranger, Suisses sablés et autres Saint-Genix aux pralines, pâtisseries traditionnelles, mais pour satisfaire mon petit-fils, c’est plutôt du côté des nids de Pâques raffinés, au chocolat, ou aux fraises, que je lorgne.
Chocolat ! Ici, ce n'est pas qu'un mot, mais une institution : Valrhona A Pâques, c’est le délire dans la boutique. Non  seulement le chocolat est excellent, mais on peut déguster à sa guise, en choisissant ses tablettes, ballotins et autres sujets de saison : poules et oeufs, poissons, coquillages et petite friture. Vous m'en mettez 500g, aux trois chocolats. Entre temps, j'en mange 100g. Saveurs variées, rubans et jolis paquets, c’est bon pour la santé, le magnésium… Pour les kilos, on verra après.

Et pour accompagner tout cela ? Quelle boisson ? Une petite visite à la Cave Coopérative s’impose, la dégustation y est aussi permanente et généreuse. Entre Saint-Péray et Saint-Joseph, Cornas et Hermitage, la tête me tourne …

Tain-Tournon, c’est mon pays de Cocagne.


mardi 3 avril 2012

Chronique littéraire : Même le silence a une fin, de Ingrid Betancourt

parue dans le JTT du 5 avril 2012.

Les FARC ont relâché aujourd'hui leurs derniers otages. C'est l'occasion de se plonger dans ce merveilleux récit. Un livre d’aventures palpitant, mais aussi riche d’analyses politiques et psychologiques. Ingrid est une femme hors du commun

Tout le monde a entendu parler de sa longue captivité, presque sept ans, dans la jungle colombienne. Sans imaginer les conditions extrêmes de son emprisonnement, suivant le degré de sadisme des chefs terroristes successifs. Parfois seule, parfois en groupe. Enchaînée à un arbre, ou enfermée dans une cage. Tentatives d’évasion, sévèrement punies. Epreuves physiques, malaria, dysenterie … Ingrid, avec une volonté de fer et beaucoup d’orgueil, a essayé de garder le seul contrôle possible : celui d’elle-même. Elle refusait de plier devant ses geôliers, donc les FARC se sont acharnés sur elle.

Quelques moments de bonheur, dans cet enfer vert, quand Ingrid entendait à la radio un message de sa mère, quand elle pouvait lire. Quand elle avait le droit de parler à ses codétenus, de se baigner dans une cascade, de bricoler. Mais le plus souvent, elle se réfugiait dans sa bulle, puisant du soutien dans ses souvenirs, sa foi.

Les aventures d’Ingrid se doublent d’un manuel tonique de survie dans la jungle, nature à la fois envoûtante et dangereuse. Et de considérations plus générales, sur la société et la politique colombiennes, la psychologie des guérilleros, et celle des prisonniers.

700 pages d’aventures bouleversantes, étonnantes, variées, écrites dans une belle langue classique, imagée, sans pathos, sans jugements.
Le récit d’Ingrid Betancourt, femme politique franco-colombienne, née en 1961, est un document exceptionnel.

lundi 2 avril 2012

La gare TGV de Moval


Peut mieux faire !    
                                         06/02/2012

La fierté. L’espoir. Moval, obscur petit village d’un minuscule Territoire,  est choisi pour accueillir la future gare TGV Belfort-Montbéliard. Il faut savoir prendre le train en marche.
Bouleversement des habitudes, curiosité, étonnement, critiques, patience ou impatience. De longs travaux,  des problèmes de circulation, des doléances, mais des visites informatives très suivies. Compte à rebours dans les journaux, population locale de plus en plus concernée. A Porrentruy, une reproduction de la tour Eiffel est dressée sur le rond-point principal pour célébrer l’événement : le désenclavement de l’Ajoie, enfin.

Inauguration présidentielle en comité choisi, et grande fête populaire médiatisée le 10 décembre 2011. La  gare est superbe, lumineuse, d’une architecture originale. Très accessible, en pleine campagne. Flonflons et brioches, timbres du jour et discours satisfaits, la foule est au rendez-vous, Français et Suisses réunis, heureux.
Le lendemain, 11 décembre : les premiers TGV s’arrêtent, les voyageurs se pressent pour Paris, Lyon, ou Strasbourg. Photos, cadeaux, journaux, radio, TV, excitation, émotion. Instant de gloire. Nous en sommes, un trajet grisant vers les Lumières de Lyon, à plus de 300km/h.

Et puis, et puis, les colonnes des journaux se font l’écho de récriminations, déceptions, agacements. Nos têtes pensantes n’ont pas pensé à tout …
On apprend, à nos dépens, que pour stationner à la gare pendant une courte durée, il faut choisir le parking longue durée.
Les automobilistes étrangers au Territoire, eux, n’en finissent pas de râler, il n’y a aucune indication de la gare depuis l’autoroute, et les GPS sont muets.

Quant aux bus ? Celui de Montbéliard attend ses voyageurs sur le parking d’arrivée, mais celui de Belfort, il faut aller le chercher loin, sur la route. Pour Héricourt, il n’y en a pas, et la direction de Delle, n’est pas identifiable sur les écrans : Champs Blessonniers ou Oeufs frais, pour les étrangers, qu’est-ce que ça veut dire ?
La pesanteur est démoralisante : il faut compter 30min de bus depuis la gare de Belfort, si l’on ne veut pas rater le TGV. Et voyager léger, pour franchir la distance entre l’arrêt et la gare. Où est le bénéfice ?
Le summum de la mauvaise foi est atteint quand un élu, prétextant le peu de fréquentation de la ligne de bus Gare de Belfort-Gare TGV, proclame qu’il n’y a pas lieu d’augmenter les rotations. C’est le contraire, Monsieur ! Si on augmente les rotations, et si les bus accèdent à l’intérieur de la gare, les usagers n’utiliseront plus leur voiture, et n’encombreront plus les parkings !

Une solution : La rénovation de la liaison ferroviaire avec Delle et Belfort. Sujet épineux. Sur 20 km d’ancienne voie subsistent actuellement une douzaine de passages à niveau. Pour rouvrir la ligne, il faudrait tous les remplacer par des ponts ou des tunnels, sécurité oblige. Vous imaginez les montagnes russes ? Une aberration, révisée à la baisse heureusement. Regardons donc comment ça se passe en Suisse : les barrières traversantes sont simples et sans danger.

Je ne râle pas contre le prix des billets du TGV, ni contre le fait qu’il facilite les grands trajets, et pas les petits. C’est la règle du jeu. Je suis ravie de pouvoir aller à Roissy, à Lille, à Frankfurt directement.
Mais quand je suis à l’heure, avec mon billet en poche, sur le bon quai, et que le TGV oublie de s’arrêter à la gare de Moval, que conclure ?

Que Moval a encore besoin de temps pour s’imposer comme gare incontournable !